Grande Prairie au diapason des villes francophones
Pour sa quatrième rencontre annuelle, le Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique avait choisi de s’arrêter à Grande Prairie, en Alberta, du 5 au 7 septembre. Une démarche parfois faite de petits pas devant néanmoins aboutir, entre autres, à des parcours touristiques basés sur la francophonie.
Plus de 130 personnes dont un bon nombre de maires de villes albertaines étaient réunies autour du thème Promouvoir la culture francophone au sein de nos communautés anglophones. Beau thème, mais concrètement, comment ça se réalise? Comment faire en sorte que le français soit perçu comme un outil attrayant pour le développement économique et culturel des communautés francophones? Les divers ateliers, conférences et spectacles programmés au cours des trois jours de la rencontre ont mis en lumière diverses tentatives pour rendre le français sexy.
MISER SUR LE FRANÇAIS
Si certaines langues comme le catalan, le gaélique ou le wallon sont mises de l’avant au sein de leur communauté comme le rappelait en conférence d’ouverture Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et directeur du Réseau de veille en tourisme, pourquoi en serait-il différent pour le français? Le conférencier québécois rappelait à son auditoire que des routes touristiques axées sur le patrimoine culinaire, viticole, linguistique et même religieux étaient tout à fait envisageables en Amérique. Pour peu aussi qu’on sache, mettre à contribution les nouvelles technologies comme les applications mobiles, rejoignant ainsi directement les touristes.
À cet égard, Marie-Ève Lord, directrice générale adjointe et conservatrice du Musée de la mémoire vivante, situé à Saint-Jean-Port-Joli, dans le Bas-SaintLaurent, au Québec, mentionne que les nouvelles technologies donnent accès à de nombreuses possibilités de projets. La représentante du Musée rappelle que, grâce au numérique, le Musée de la mémoire vivante peut offrir et conserver plus de 2600 témoignages tant audio que sur vidéos. Un savoir-faire qu’elle est venue partager en Alberta avec des représentants du réseau scolaire ainsi que des sociétés historiques puisque le Musée, qui fête ses 10 ans et qui est axé sur la personne, offre ses services pour la collecte de récits et de témoignages.
DU FOOT AU BISON
Coordonnateur de Francopreneurs, au sein du Conseil de développement économique de l’Alberta (CDÉA), Joris Desmares-Decaux estime que d’un point de vue économique le français est rentable en donnant pour exemple les économusées. Mais ce n’est pas tout. Selon lui, il faut que des entreprises étrangères puissent se rendre compte qu’il n’y a pas qu’au Québec où le fait français existe. «La dualité linguistique du Canada peut être un plus pour des entreprises françaises voulant s’installer dans l’Ouest», assure celui qui croit en l’entrepreneuriat social et qui a vu Grande Prairie être le lieu où le CDÉA a signé un partenariat de trois ans avec le Réseau. Et même le foot peut être un vecteur de francisation ! Amateur du ballon rond, M. DesmaresDecaux a créé il y a 3 ans le Calgary Olympic FC, le premier club de football bilingue en Alberta. La dimension bilingue du club permet non seulement aux francophones de se retrouver, mais également à des parents anglophones de faire jouer leurs enfants au foot en français.
De son côté, Josée Bourgoin, consultante en terroir, et ancienne productrice de bisons en Saskatchewan avec son mari Michel Dubé, est d’avis que l’identité francophone peut passer par la valorisation du patrimoine agroalimentaire. C’est le message qu’elle a voulu partager lors de la rencontre du Réseau. Si celui-ci en est encore à une phase de sensibilisation selon la consultante, celle-ci croit qu’un outil comme le Réseau avec la mise sur pied éventuelle de circuits agrotouristiques pourrait, non seulement amener des touristes, mais aussi «réduire l’exode» des jeunes vers les villes. Même si cela n’est pas encore très courant en Saskatchewan, les jeunes agriculteurs auraient tout intérêt à transformer certains de leurs produits. Il y va d’une valeur ajoutée non seulement pour le produit, mais également pour l’aspect identitaire selon Josée Bourgoin.
Cela n’est pas sans rappeler ce que pense l’anthropologue franco-colombien Michel Bouchard, présent aussi à Grande Prairie. «D’un point de vue anthropologique, la langue a besoin de structures. Un événement comme le Réseau crée une certaine fierté.» Celui qui enseigne à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique pense que «là où il y a de la volonté, il y a de l’intérêt.»
À en croire les différents intervenants et l’écoute qu’ils ont reçue en Alberta, le Réseau des villes francophones et francophiles d’Amérique semble répondre à ce besoin. ■