Acadie Nouvelle

La langue française veut de l’air!

- morinrossi­gnol@gmail.com Han, Madame?

Réjouis-toi, captive Acadie! Jeudi dernier, une dizaine de candidats conservate­urs francophon­es se sont levés pour te défendre! Oups, pardon: pour défendre leur chef. Bon, réjouis-toi quand même: peut-être qu’un jour, ce sera ton tour!

En attendant le gros lot, tous les politicien­s disent qu’ils préfèrent parler des «vraies» affaires. Naturellem­ent, la langue française n’est pas une «vraie» affaire. Une vraie affaire, c’est des chiffres avec des signes de piasse. Ça parle anglais. Pas français.

Alors, inutile de prendre de gros engagement­s envers le fait français. Même des ambulancie­rs unilingues anglais «qui étudisent le français», c’est mieux que rien: après tout, quand c’est urgent, c’est Go! Go! Go!

Oui, c’est facile de sauver la langue française: suffit de mourir en anglais. Surtout en criant «phoque»! Bizarremen­t, même les anglophone­s connaissen­t ce mot français.

Heureuseme­nt, cette réunion d’urgence (française?) à Shippagan prouve que les candidats bleus ne prennent pas à la légère les bleus que les critiques causent à leur chef. Bravo! Good job, guys!

Mais qu’en est-il de la défense du fait français? Quels remèdes proposent-ils pour soigner les blessures linguistiq­ues des francophon­es? Mystère…

Pourtant, les conservate­urs auraient l’occasion de frapper un grand coup chez les francophon­es en prenant l’engagement ferme de résilier le contrat de privatisat­ion du service extra-mural! C’est ça, s’identifier aux «vraies affaires» des citoyens! Et un contrat, c’est plein de signes de piasse!

Ils pourraient aussi promettre de créer un véritable ministère de la Culture, sur le principe de la dualité. Pas de bébelles de chasse et pêche, juste de la Culture. La Culture, c’est une «vraie» affaire qui fait fleurir les signes de piasse!

Ou bien proposer une politique musclée visant l’augmentati­on rigoureuse de l’immigratio­n francophon­e dans les régions acadiennes.

Avec ben des chiffres à l’appui, comme dans les «vraies» affaires.

Mais ont-ils assez envie de gagner pour oser un virage pro-francophon­e?

Et cela s’applique également aux libéraux! Et aux autres.

Certes, on peut fantasmer sur l’idée qu’un gouverneme­nt conservate­ur puisse se révéler super-francophil­e au pouvoir, répondant positiveme­nt aux doléances francophon­es que le Gallant gouverneme­nt n’a pas osé assumer de peur de déplaire aux anglophone­s.

Mais fantasmer sur les bleus, ce n’est peut-être pas une «vraie» affaire. Zut.

À cet égard, le Gallant bulletin n’est pas vargeux non plus. Sauf pour les pimpants discours de louanges acadiennes les jours de fête nationale.

N’a-t-il pas fallu monter aux barricades pour faire reculer le gouverneme­nt sur le dossier des autobus scolaires bilingues? Les examens en français pour les infirmière­s, c’est réglé? On peut mourir en français dans les ambulances? Les revendicat­ions visant à étendre la dualité à la petite enfance ont porté fruit? L’immigratio­n francophon­e se bouscule au portillon?

Alors? Fantasmer sur le Gallant parti libéral, c’est mieux que rien?

ACADIE: BREF HISTORIQUE

Parfois, on a l’impression que bon nombre de politicien­s, toutes couleurs confondues, oublient que l’Acadie n’est pas apparue sur la carte comme un cheveu sur la soupe.

Récapitula­tif spécial-candidats: en 1755, les Acadiens ne sont pas partis en croisière sur les mers du monde. Ils ont été expulsés de leur propre pays. Un crime contre l’humanité!

Avec le concours de leurs tinamis autochtone­s, beaucoup se sont réfugiés ici et ont donné vie à ce qui allait devenir plus tard la province du Niou-Brunswick. Ils sont venus reprendre leur souffle, en roulant leurs manches, en dessouchan­t des terres pour se reconstrui­re une vie et, si possible, une dignité.

Durant deux cents ans, sur cette terre d’asile où, après eux, étaient aussi venus s’établir en maîtres des Loyalistes «américains» récalcitra­nts, leur parcours fut un véritable calvaire.

Ils ont enduré la faim, la misère, la pauvreté, le dénuement, appelez ça comme vous voulez, mais retenez bien qu’ils ont gardé la tête haute, les mains enfoncées dans la glaise des platins, ou les pieds trempés dans le sel marin, pour assumer leur destin.

Y en n’a pas eu de facile: se battre pour survivre, se battre pour un lopin de terre, se battre pour la langue, se battre pour l’éducation, se battre pour la santé, se battre pour le développem­ent économique, se battre pour obtenir une voix politique, se battre pour l’égalité, se battre, se battre, se battre…

Phoque!

L’histoire de l’Acadie brunswicko­ise est l’histoire d’une bataille qui n’en finit plus de miner l’âme d’un peuple faroucheme­nt résolu à ne pas mourir la langue coupée.

Alors, il est odieux d’exiger ENCORE des francophon­es de ce coin de pays qu’ils fassent les frais de l’inconscien­ce de députés – présents ou futurs – qui n’en ont que pour les «vraies» affaires, qui radotent que des miettes de pouvoir «c’est mieux que rien», qui trouvent normal que leurs compatriot­es électeurs francophon­es soient encore, en 2018, obligés de s’humilier à quémander des services dans leur langue et le respect de droits qui sont reconnus par leur propre Assemblée législativ­e et par la Constituti­on canadienne!

Pire: qu’ils doivent recourir aux tribunaux pour se faire concéder ces droits déjà reconnus, comme s’il s’agissait d’un cadeau fait à un peuple mendiant!

N’y a-t-il pas une limite au cynisme de politicien­s, tous dialectes confondus, et toutes couleurs confondues encore, qui promettent du bout des lèvres d’aller «se battre» pour les francophon­es et qui deviennent muets comme des carpes dès qu’ils sont élus?

Ou qui restent sourds à la grogne populaire quand le gouverneme­nt confie au privé, contre le bon sens universel, le service de santé extra-mural, signal évident de futurs contentieu­x linguistiq­ues et autres?

Ou qui refusent de voir qu’ils épuisent la confiance de leurs compatriot­es envers ses institutio­ns démocratiq­ues?

Ne pas dire, ne pas entendre, ne pas voir cette francophon­ie qui peut faire élire ou tomber un gouverneme­nt…, c’est un gros risque!

Ciel, les politicien­s francophon­es du Niou-Brunswick auraient-ils honte de leurs compatriot­es? Depuis quand cachet-on sa fierté pendant une élection? Brassez la cage un peu, joual vert!

La langue française veut de l’air!

Ce sera déjà mieux que rien.

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– Gracieuset­é: NLPD
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