Un duel de grosses pointures dans Moncton-Sud
NDLR: L’Acadie Nouvelle poursuit sa série de portraits de circonscriptions en vue des élections du 24 septembre. Au cours des prochains jours, le journaliste et chroniqueur Pascal Raiche-Nogue vous emmènera sur le terrain afin de vous faire découvrir quelques courses à surveiller.
Une lutte fascinante se dessine dans Moncton-Sud, où la ministre des Finances fait face à une candidate vedette progressiste-conservatrice. Les deux principaux partis jouent gros dans cette circonscription urbaine où tout semble possible.
La matinée est déjà bien entamée dans la ruelle Oak, située en plein coeur du centreville de Moncton.
Quelques citadins déambulent tranquillement, un café à la main, en route vers on ne sait où.
Une odeur subtile d’urine et d’ordures flotte dans ce modeste espace piétonnier, qui attire depuis toujours des itinérants et d’autres personnes marginalisées. Pas très loin, les haut-parleurs extérieurs d’une tabagie crachent de la musique à tue-tête.
Le coin, situé entre un magasin de vêtements ouvert récemment et des locaux vides est à l’image de Moncton; il reprend du poil de la bête, petit à petit, mais il demeure frappé par d’importants problèmes sociaux.
C’est là que nous rejoignons Cathy Rogers, la candidate libérale et députée sortante dans Moncton-Sud.
«LES BIEN NANTIS ONT DÉJÀ UNE VOIX FORTE»
Cette professeure de sociologie a été élue pour la première fois en 2014, l’emportant par une douzaine de points sur la progressiste-conservatrice Sue Stultz. Depuis, elle a été nommée ministre du Développement social et ensuite ministre des Finances.
En entrevue, elle explique qu’elle se voit comme une défenseure des personnes vulnérables, un segment de la population qu’elle a longtemps étudié dans le cadre de sa carrière universitaire.
«J’ai toujours pensé que l’élite, les biens nantis, a déjà une voix forte et qu’elle a accès au pouvoir. Les représentants élus doivent aussi entendre les voix moins fortes.»
Ses travaux en sociologie l’ont convaincue qu’il vaut mieux investir en amont que de tenter de réparer les pots cassés en aval, ditelle.
Sa vision, elle s’est attelée à la mettre en pratique comme ministre des Finances depuis sa nomination, en 2016, en injectant notamment de nouveaux fonds en éducation et en santé.
Mais ce qu’elle perçoit comme des investissements sont régulièrement qualifiés de dépenses excessives par ses détracteurs.
Ces critiques, Cathy Rogers les connaît bien. À ces gens, elle répond que la province a besoin d’une vision à long terme, même si cela est moins facile à promouvoir, politiquement parlant.
UNE ANCIENNE LIBÉRALE AUX TROUSSES DE CATHY ROGERS
Un obstacle majeur se dresse dans le chemin de Cathy Rogers: la candidate progressiste-conservatrice Moira Murphy, une avocate d’expérience qui se présente pour la première fois.
Si les rares données régionales dont on dispose sont moindrement potables, elle a des chances de l’emporter dans cette circonscription qui a longtemps été détenue par des représentants de son parti.
Dans son plus récent sondage, la firme Corporate Research Associates avance que les rouges et les bleus sont à égalité à Moncton (ce qui comprend cependant plus d’une circonscription) avec 41% des intentions de vote.
Moira Murphy nous accueille dans son quartier général de campagne, situé dans un tout petit centre commercial au coin des rues St. George et Botsford, un autre secteur chaud du centre-ville.
Contrairement à certains de ses collègues progressistes-conservateurs entrés dans la course sur le tard, elle a été nommée il y a plusieurs mois déjà, en mars.
«J’ai pris une semaine de congé et j’ai commencé (à faire campagne) en avril. Je n’ai pas arrêté depuis», dit-elle, une tasse rouge de chez Tim Hortons à portée de main.
Son entrée en scène n’est pas passée inaperçue à l’époque, notamment parce que son conjoint est l’ex-politicien Michael Murphy.
Ce dernier a entre autres été ministre de la Santé dans le gouvernement libéral de Shawn Graham et a été le principal opposant de Brian Gallant lors de la course à la direction du Parti libéral en 2012.
Elle dit qu’elle ne le connaissait pas très bien à l’époque. Le travail de Blaine Higgs comme ministre des Finances de 2010 à 2014 – alors qu’elle s’identifiait au Parti libéral – lui avait cependant plu.
«Je l’ai donc rencontré à plusieurs reprises. Et ce qui est venu me chercher, à part son éthique et son honnêteté inébranlables, c’est le fait qu’il croit que l’on doit s’assurer que chaque dollar dépensé atteint son plein potentiel.»
«ON A APPUYÉ BRIAN GALLANT»
Elle affirme que le Parti libéral est méconnaissable. Un parti qu’elle a, rappelle-t-elle, continué à appuyer même après la défaite de son conjoint aux mains de Brian Gallant lors du congrès à la direction de 2012.
«On a complètement appuyé Brian Gallant lors des élections de 2014 et nous avons voté pour lui parce que nous voulions qu’il récolte du succès. (...) (Aujourd’hui), je ne reconnais pas le ruissellement économique de (Frank) McKenna ou même (l’approche de) Louis Robichaud. Ce gouvernement me semble téméraire et irresponsable.»
Les autres candidats dans Moncton-Sud sont Amy Johnson (NPD), Laura Sanderson (Parti vert) et Marilyn Crossman-Riel (Alliance des gens du N.-B.). ■
«Une chose que je dis souvent, c’est que si Services préventifs Canada existait, on n’aurait pas besoin de Service correctionnel Canada», ditelle.
«Quand j’ai décidé de me présenter sous la bannière progressisteconservatrice – je dirais que j’ai pris ma décision en janvier – l’un des derniers morceaux du casse-tête pour moi était de rencontrer Blaine Higgs», raconte Moira Murphy.