L’énigme verte
Sans doute un des phénomènes les plus fascinants de cette campagne électorale est la soudaine et inattendue acadianisation du Parti Vert du Nouveau-Brunswick.
Fondé en 2008, ce parti n’avait jamais vraiment été associé aux francophones. En 2014, son chef, David Coon, jugé insuffisamment bilingue, avait même été exclu du débat organisé par RadioCanada. Encore mercredi soir, lors du débat des chefs en anglais, M. Coon semblait croire que les exigences de bilinguisme étaient trop élevées pour les travailleurs paramédicaux.
Pourtant, le Parti Vert a récemment recruté parmi ses candidats vedettes trois militants acadiens d’une qualité tout à fait exceptionnelle: Kevin Arseneau (KentNord), Jean-Marie Nadeau (MonctonCentre) et Charles Thériault (Restigouche Ouest).
Que faut-il comprendre?
Le concept de représentation gyroscopique, développé par la politologue américaine Jane Mansbridge, nous aide à y voir plus clair.
Selon la théorie traditionnelle de la représentation, un candidat fait des promesses, les électeurs l’élisent sur la base de ces promesses et le surveillent au cours de son mandat pour s’assurer qu’il les tienne. On s’attend du candidat à ce qu’il soit fidèle à ses promesses, à sa plateforme.
La représentation gyroscopique fonctionne différemment. Ici, un candidat exprime ses valeurs et convictions profondes et les électeurs l’élisent en espérant que ces valeurs et convictions sauront le guider adéquatement au cours de son mandat. On s’attend du candidat à ce qu’il soit d’abord fidèle à ses valeurs et à ses convictions – pas nécessairement à une plateforme ou à un parti.
Dans les grands partis, il n’y a plus beaucoup de place pour la représentation gyroscopique. Les grands partis s’attendent à ce que leurs candidats vendent la plateforme du parti comme les franchisés vendent les produits formatés de leur franchiseur. C’est dans ce contexte que les candidats dont les convictions politiques sont les plus sincères et les plus profondes sont aujourd’hui repoussés chez les tiers partis, moins en mesure d’imposer une rigueur partisane.
Le Parti Vert ne s’est donc pas acadianisé en profondeur, mais il a eu suffisamment d’ouverture pour accueillir en son sein trois orphelins politiques qui, s’ils sont élus, ne manqueraient pas d’honorer l’Acadie. ■