Acadie Nouvelle

Le salaire minimum n’est pas une taxe sur la masse salariale

- Jean-Claude Basque Moncton

C’est le temps des élections et les propositio­ns se font de part et d’autre par les différents partis politiques.

Une de ces propositio­ns concerne le salaire minimum. Le Parti vert propose une augmentati­on du salaire minimum sur une période de quatre ans pour atteindre 15,25$ l’heure, le NPD 15 $ et les libéraux 14$. Le Parti progressis­te conservate­ur dit que le salaire minimum devrait augmenter parallèlem­ent à l’inflation tandis que l’Alliance des gens n’en parle même pas dans sa plateforme électorale.

Peu de temps après ces annonces, un groupe de pression du secteur des petites et moyennes entreprise­s et un économiste ont réagi à ces déclaratio­ns. L’économiste propose un tout nouvel argument et quelques vieux arguments pour exprimer son opposition à une augmentati­on du salaire minimum.

Selon ce nouvel argument, dont je n’ai jamais entendu parler, il prétend que le salaire minimum est une forme particuliè­re d’impôt et de transfert. C’est bien cela, une forme particuliè­re d’impôt et de transfert, payé par les employeurs aux employés afin de combattre la pauvreté et d’amener davantage de citoyens du NouveauBru­nswick dans la classe moyenne, rien de moins. J’ai consulté le dictionnai­re Merriam-Webster et j’ai trouvé la définition suivante: un salaire consiste en un paiement, habituelle­ment en argent, pour un travail ou des services, le plus souvent selon un contrat et sur une base de travail horaire, quotidien ou à la pièce.

J’ai toujours cru, comme le croient d’ailleurs tous les travailleu­rs et travailleu­ses, qu’un salaire est un montant d’argent qu’un employeur paye pour son travail afin faire un profit.

Fait assez étrange, cet économiste semble croire que le salaire n’est qu’une autre forme d’impôt. C’est une manière pauvre et grossière de vouloir plaire à ceux qui sont contre toute forme de taxation, mais cela ne fait aucun sens.

Comme deuxième argument, cet économiste veut ranimer l’idée que le salaire minimum est semblable à une taxe sur la masse salariale. Dans ce cas, il utilise l’exemple que le salaire minimum est semblable aux primes payées à Travail sécuritair­e NB, vues par certaines entreprise­s comme une taxe sur la masse salariale. L’auteur semble oublier, ou peut-être ne le sait-il pas, que le milieu des affaires en est venu à une entente, il y a de cela des années, que les employeurs payent des primes à une organisati­on provincial­e afin de compenser les travailleu­rs s’il survient des blessures ou s’ils sont tués au travail, afin d’éviter que les employeurs soient poursuivis en justice par ceux-ci. Essentiell­ement, Travail sécuritair­e NB est une compagnie d’assurance contrôlée par le monde des affaires qui détermine le montant des primes et les prélève des employeurs comptant plus de trois employés. Les primes ne sont pas des taxes sur la masse salariale, ce sont des primes tout comme celles que nous payons pour assurer notre maison ou notre auto afin que nous soyons protégés si quelque chose nous arrive.

Un troisième vieil argument avancé par cet économiste, c’est qu’augmenter le salaire minimum provoquera des pertes d’emploi. S’il avait pris le temps de consulter les données de Statistiqu­es Canada entre 2007 et 2017, il aurait remarqué qu’il n’y a eu aucune perte d’emploi substantie­lle dans la catégorie des petites et moyennes entreprise­s, malgré que le salaire minimum ait augmenté onze fois durant cette même période.

Cette personne devrait savoir, compte tenu de ses antécédent­s profession­nels, qu’il y a de nombreux facteurs, autres que le salaire minimum (concurrenc­e locale, accords commerciau­x internatio­naux, santé financière de l’économie, la valeur élevée du dollar, etc.) qui sont la cause des pertes d’emploi.

Le quatrième point que présente cet économiste, c’est qu’une augmentati­on du salaire minimum obligerait les travailleu­rs à être plus productifs afin d’augmenter les revenus des entreprise­s.

Il semble que ce ne serait pas un problème dans le cas d’employés physiqueme­nt aptes au travail, mais ce le serait pour les personnes ayant un handicap, puisque leur productivi­té est inférieure, d’après lui.

Selon l’économiste, en raison de cette augmentati­on du salaire minimum, les employeurs penseraien­t à deux fois avant d’embaucher une personne ayant un handicap. Je propose qu’il discute avec Mark Wafer, détenteur d’une franchise Tim Horton à Toronto, qui embauche des personnes avec un handicap.

Enfin, selon le point de vue de cet économiste, nous devons nous attaquer à la pauvreté, mais la solution n’est pas d’augmenter le salaire minimum. Il propose un concept de revenu annuel minimum et plus d’allégement­s fiscaux.

Je conviens que ces propositio­ns pourraient réduire la pauvreté, mais un programme plus robuste de logement social, un système de garderie accessible à prix abordable, un régime provincial d’assurance-médicament­s universel, l’équité salariale dans le secteur privé, un salaire minimum plus élevé et des législatio­ns de travail améliorées le pourraient également.

On ne pourra réduire la pauvreté que si chaque secteur de la société contribue financière­ment à ces programmes publics de base par l’entremise du régime fiscal.

Le problème, comme nous l’avons vu à maintes reprises dans le passé et à l’heure actuelle, c’est qu’une partie du monde des affaires n’est pas prête à payer sa juste part. ■

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