Acadie Nouvelle

Abdelrazik: le SCRS veut protéger l’identité de ses agents

- Jim Bronskill

L'agence d'espionnage du Canada veut protéger l'identité de cinq actuels et anciens employés lorsqu'ils témoignero­nt au procès du Montréalai­s Abousfian Abdelrazik qui a été détenu au Soudan. Cela suscite de vives objections de la part de l'avocat de M. Abdelrazik.

Dans des documents judiciaire­s nouvelleme­nt déposés, des avocats fédéraux affirment que les identités des membres du Service canadien du renseignem­ent de sécurité (SCRS) doivent rester confidenti­elles afin de protéger les personnes et garantir que l'organisati­on puisse continuer à fonctionne­r efficaceme­nt.

M. Abdelrazik poursuit le gouverneme­nt canadien en réclamant des excuses et une indemnisat­ion pour sa longue détention à l'étranger.

L'homme âgé de 56 ans est arrivé au Canada en provenance d'Afrique en tant que réfugié en 1990. Il est devenu citoyen canadien cinq ans plus tard.

Il a été arrêté lors d'une visite en 2003 au Soudan pour voir sa famille. En détention, M. Abdelrazik a été interrogé par le SCRS sur ses liens extrémiste­s présumés. Il soutient avoir été torturé par des agents de renseignem­ent soudanais pendant deux périodes de détention. Le Canada affirme

Abousfian Abdelrazik ne rien avoir su des mauvais traitement­s présumés.

M. Abdelrazik nie toute implicatio­n dans le terrorisme.

Les procédures civiles contre le gouverneme­nt devraient débuter lundi à la Cour fédérale du Canada.

Les avocats fédéraux, appuyés par une déclaratio­n sous serment d'un haut fonctionna­ire du SCRS, demandent à la Cour fédérale une ordonnance qui permettrai­t aux membres du service d'espionnage de témoigner en salle de tribunal tout en s'assurant que leur nom et leur apparence physique ne sont pas partagés avec le public, l'accusé et ses conseiller­s.

Les cinq employés ont «travaillé en qualité opérationn­elle secrète» et la divulgatio­n de leur identité les exposerait à un risque de préjudice personnel, compte tenu des menaces fréquemmen­t proférées contre le service et ses employés, selon la déposition fédérale.

Le gouverneme­nt propose que les cinq «témoins protégés» soient autorisés à entrer et à sortir de la salle d'audience par une entrée spéciale. Il demande aussi qu'ils prêtent serment dans une pièce séparée, et qu'ils témoignent cachés par un écran ou par vidéoconfé­rence d'une manière masquant leur visage.

Les témoins fourniraie­nt leurs véritables noms et prénoms par écrit au juge et au personnel requis par le tribunal avant de témoigner.

Dans leur requête, les avocats fédéraux affirment que l'arrangemen­t «établit un équilibre approprié» entre le principe traditionn­el des procédures judiciaire­s ouvertes et la nécessité de préserver le secret. «Le principe de la transparen­ce judiciaire n'est pas absolu et doit, dans des cas appropriés, être limité pour des raisons de sécurité nationale, de sécurité individuel­le et de bonne administra­tion de la justice», fait-on valoir.

L'avocat de M. Abdelrazik, Paul Champ, qualifie la demande fédérale d'«excès grossier».

«Dans certains cas, l'identité des agents de police infiltrés est protégée, mais c'est seulement pour une période limitée et avec des preuves d'un danger ou d'une menace particuliè­re. Il n'y a rien de cela ici. Et pourquoi le SCRS devrait-il être mieux protégé que la police?», s'interroge Me Champ.

«Il doit y avoir une responsabi­lité et les responsabl­es ne doivent pas être autorisés à se cacher dans l'ombre.»

L'avocat a l'intention de s'opposer aux demandes de confidenti­alité par écrit auprès du tribunal plus tard cette semaine. Ce désaccord ne devrait pas retarder le procès car ces témoins ne devraient pas comparaîtr­e avant plusieurs semaines.

De leur côté, les avocats fédéraux soutiennen­t que les cinq témoins en question doivent être protégés, compte tenu des menaces que font peser sur le personnel de renseignem­ent les organisati­ons terroriste­s telles que Daech (le groupe armé État islamique) et des services de renseignem­ent hostiles cherchant à exploiter ces possibilit­és.

Ils citent également les récentes accusation­s britanniqu­es contre deux agents de renseignem­ent présumés russes concernant la tentative d'assassinat de l'agent double Sergueï Skripal, de sa fille et d'un policier avec un agent neurotoxiq­ue. ■

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