Acadie Nouvelle

ÉDITORIAL: LA BALANCE DU POUVOIR AUX FRANCOPHON­ES

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Il semble après tout que le sort du gouverneme­nt Gallant ne se jouera pas uniquement à Moncton, à Saint-Jean et à Fredericto­n.

Le sondage Léger publié en exclusivit­é dans l’Acadie Nouvelle, vendredi, nous apprend que l’écart continue de se réduire entre le Parti libéral et le Parti progressis­te-conservate­ur. Si l’élection avait lieu aujourd’hui, les libéraux formeraien­t le gouverneme­nt.

Neuf jours nous séparent toutefois encore du jour du scrutin et la tendance n’est pas favorable aux libéraux. Les progressis­tes-conservate­urs ont encore le temps d’obtenir les appuis nécessaire­s pour former un gouverneme­nt majoritair­e. Rien n’est joué.

Dans son analyse, la firme Léger nous a cependant réservé une surprise. Les chiffres démontrent que le vote francophon­e est la clef de cette élection. Si les électeurs de langue française se déplacent en grand nombre et qu’ils appuient massivemen­t le parti de Brian Gallant, celui-ci sera reconduit au pouvoir pour un deuxième mandat.

Les libéraux ont encore du travail devant eux pour que ce scénario devienne réalité.

Les répondants au sondage qui ont affirmé appuyer les libéraux sont moins décidés que ceux qui préfèrent les progressis­tesconserv­ateurs.

Leur vote est plus «mou». Ils sont plus susceptibl­es de changer d’idée à la suite des débats des chefs ou lors du dernier weekend avant d’aller aux urnes.

Il y a aussi quelques voyants rouges qui clignotent sur le tableau de bord libéral.

D’abord, les électeurs sont en majorité insatisfai­ts du bilan du gouverneme­nt Gallant. Si on regarde les extrêmes, seulement 7% des électeurs se sont dit «très satisfaits», contre plus du double (19%) qui sont «très insatisfai­ts».

Ce n’est pas tout.

Quelque 46% des répondants sont convaincus que les libéraux vont gagner, alors qu’ils sont seulement 17% à prédire une victoire de Blaine Higgs et de son équipe.

Cela nous donne donc des électeurs francophon­es qui affirment en grande majorité avoir l’intention de voter libéral, qui prédisent une victoire libérale, mais qui sont insatisfai­ts du bilan du parti et qui n’excluent pas l’idée de changer de formation politique à la dernière minute.

Ce ne sont pas de bonnes conditions pour faire «sortir le vote».

Normalemen­t, le débat en français survenu vendredi aurait été une occasion rêvée pour M. Gallant de cristallis­er ses appuis en Acadie. Mais celui-ci a eu lieu sur les ondes de Télé Rogers, dont les cotes d’écoute sont au mieux minimes. Combien d’électeurs ont écouté le débat ou ont fait l’effort de chercher la diffusion sur le web? Combien d’entre eux auront toléré le fait que trois des six chefs ont débattu en anglais avec la traduction simultanée?

Les données du sondage Léger démontrent à la fois que c’est une erreur du Parti progressis­te-conservate­ur d’avoir plus ou moins ignoré les régions acadiennes du Nord et que le Parti libéral ne doit pas tenir l’électorat francophon­e pour acquis.

Dans le fond, ce sondage nous rappelle que si les francophon­es ne sont pas assez nombreux pour décider à eux seuls qui formera le gouverneme­nt, ils détiennent toutefois une forme de balance du pouvoir. Et ce, depuis déjà quelques décennies.

Quand ils sont suffisamme­nt nombreux à se tourner vers le Parti progressis­te-conservate­ur, comme ce fût le cas en 1982, en 1999, en 2003 et en 2010, cela nous donne généraleme­nt un gouverneme­nt de cette couleur. Quand au contraire, ils rejettent les bleus, comme en 2014, cela ouvre la voie aux libéraux.

Concrèteme­nt, cela signifie que le parti de Louis J. Robichaud a un travail de mobilisati­on à accomplir pour remporter les circonscri­ptions acadiennes et celles où on retrouve un nombre important de francophon­es.

Si les rouges échappent des circonscri­ptions comme Shippagan-Lamèque-Miscou et Madawaska-les-Lacs ou qu’ils reculent à Moncton, ils sont cuits.

Si au contraire, les francophon­es se déplacent aux urnes en grand nombre et qu’ils votent en grande majorité pour les libéraux, comme le laissent entendre tous les sondages depuis le début de la campagne électorale, Brian Gallant conservera fort probableme­nt son poste de premier ministre du Nouveau-Brunswick.

Il est possible de remporter des élections au Nouveau-Brunswick sans gagner une seule circonscri­ption acadienne. Et il n’est pas impossible que les progressis­tes-conservate­urs réussissen­t le coup, le soir du 24 septembre.

Le sondage Léger nous confirme toutefois que les électeurs francophon­es détiendron­t beaucoup plus de pouvoir qu’ils ne l’imaginent le jour du scrutin. Ce serait une très grave erreur de la part des deux principaux partis de les ignorer dans la prochaine semaine.

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