Gagner sans être réélus
Que diriez-vous si le vainqueur des élections n’était pas le parti qui a reçu le plus de voix? Impossible! Inacceptable! Quel affront à la démocratie! Et pourtant…
Nos voisins américains connaissent bien cette rengaine. En 2000, le candidat démocrate à l’élection présidentielle, Al Gore, a recueilli 48,4% des voix contre 47,9% pour le républicain George W. Bush. L’étrange distorsion créée par le système électoral américain a pourtant couronné ce dernier. Il y a deux ans, Hillary Clinton a reçu l’appui de 2,9 millions d’Américains de plus que Donald Trump. On connait la suite.
Il est toutefois hasardeux de comparer deux systèmes électoraux très différents.
Le Nouveau-Brunswick n’est pourtant pas à l’abri de ce genre de résultats qui dépassent l’entendement. En 2006, les progressistes-conservateurs de Bernard Lord ont reçu 47,1% des voix contre 46,8% pour les libéraux de Shawn Graham. La répartition des votes dans les circonscriptions a toutefois permis aux libéraux de remporter trois sièges de plus que les progressistes-conservateurs, faisant de Shawn Graham le premier ministre de la province.
L’histoire pourrait bien se répéter dans neuf jours. Selon le sondage Léger/Acadie Nouvelle de jeudi, le Parti libéral peut compter sur une avance de 9 points de pourcentage sur le Parti progressisteconservateur.
Toutefois, le vote libéral est surtout concentré chez les francophones. 64% d’entre eux ont l’intention de voter pour le Parti libéral contre seulement 33% des anglophones. À l’opposé, seulement 14% des francophones pensent voter pour le Parti progressiste-conservateur. À ce rythme-là, l’équipe de Brian Gallant pourrait bien rafler l’ensemble des circonscriptions francophones, mais cela n’est pas suffisant pour lui assurer la victoire.
Au lendemain de la sortie d’un sondage très favorable aux libéraux, il y a environ deux ans, un membre du parti m’avait fait la remarque suivante: ça ne sert à rien de remporter quelques circonscriptions avec 70% des voix. L’important, c’est de recevoir un vote de plus que l’autre parti dans une majorité de circonscriptions.
En d’autres mots, un vote francophone uni derrière le Parti libéral et un électorat anglophone divisé pourrait suffire à donner la pluralité des voix aux libéraux, sans pour autant garantir leur réélection.