Acadie Nouvelle

Avec et comme les moines

- Serge Comeau

Content de vous retrouver après un temps de répit. Mais comme il a été rempli ce dernier mois: quitter une paroisse, faire le tri pour ramasser l’essentiel dans des boîtes, passer du temps avec la famille et des amis, et profiter de quelques jours de vacances. Et comme le dit la chanson, je suis de retour, «ivre de vent, de soleil et de bruit».

Je suis heureux de reprendre l’écriture de la chronique. Savoir que je retrouve, de semaine en semaine, des centaines d’amis, de connaissan­ces et de lecteurs, ça me réconforte. Chaque fois que j’ai dû quitter une paroisse, la chronique hebdomadai­re m’a aidé à vivre le passage. Parce que je sais qu’elle me permet de partir tout en restant proche.

C’est un privilège que j’ai. J’en ai conscience. Mais cela s’accompagne d’une grande responsabi­lité. Celle de présenter un point de vue ou une expérience pour nourrir la réflexion et élargir les perspectiv­es. Cette année, il s’en est fallu de peu pour que la relâche de l’écriture soit plus longue. C’est la seule activité régulière que je retrouve en rentrant de vacances. Voici pourquoi. Je suis au monastère cistercien de St-Jeande-Matha, au pied de la Montagne-Coupée. C’est ici que les moines d’Oka ont choisi de s’installer en 2002. La communauté était devenue trop petite, et dans un lieu trop achalandé, pour continuer la vie à Oka. Ils ont construit une belle abbaye qui s’harmonise au paysage vallonné de Lanaudière. Un lieu de silence, de réflexion et de prière.

Je suis ici depuis quelques jours. Pour plusieurs semaines. J’avais besoin d’un moment de répit. Vous pouvez appeler ça un congé sabbatique. On un repos physique et pastoral. Même encore, la réflexion du milieu de la vie. Moi, je parle d’un moment de consolidat­ion dans ma vie de prêtre. Un temps pour approfondi­r ma relation avec Dieu et pour redonner un fondement à mon ministère.

Avec les années, je me suis rendu compte que l’activisme a parfois pris le dessus. Depuis quelques mois, je sentais le besoin de remonter à la source de toutes mes activités. Mon séjour ici est l’aboutissem­ent d’une recherche de Dieu. L’accompliss­ement d’un désir devenu de plus en plus fort ces dernières années: demeurer en Dieu dans une vie consacrée à la prière et à la réflexion.

Mais il n’est pas facile de prendre du recul. Avec les années, j’étais à peu près arrivé à me croire indispensa­ble. Je me disais que le diocèse ne pouvait se passer d’un jeune prêtre. J’avais des gens à rencontrer, des sessions à donner et des célébratio­ns à présider. Je tenais aussi à ma routine dans laquelle je m’étais confortabl­ement installé. Je savais que je passerais à côté d’un été qui s’étire pour permettre des plaisirs comme les baignades dans la baie. C’est difficile de changer de registre… mais si on ne consent pas, comme individu et comme Église, à ces petits sacrifices, on peut passer à côté d’expérience­s fondatrice­s.

Le passage d’une paroisse à une autre me fournissai­t l’occasion idéale pour ce séjour. L’accord de mon évêque et la disponibil­ité du curé de ma nouvelle paroisse me permettent de vivre dans ce monastère. Je voulais le faire non comme hôte, mais comme moine. Mais est-ce possible de vivre comme «moine temporaire»? J’en doutais.

Lorsque j’ai posé la question au père abbé, je m’attendais à ce qu’il me dise qu’on entre au monastère pour y passer sa vie, pas pour un congé. Or, il m’a dit que la communauté acceptait certaines demandes de consacrés. En m’informant que dans les Églises d’Orient, il est courant que des prêtres alternent entre des périodes de vie contemplat­ive au monastère et des périodes de vie active en paroisse. Il a donc permis que je passe de l’autre côté de la clôture monastique pour vivre avec et comme les moines.

J’aurais pu aller ailleurs pour ce temps de consolidat­ion: aux études, sur le chemin de Compostell­e ou dans un ermitage. Je voulais rythmer chaque jour et chaque heure des prochains mois avec la prière de l’Église. Je crois que les expérience­s importante­s de la vie méritent d’être accompagné­es.

De plus, la vie monastique m’a toujours attiré. Les premiers moines que j’ai connus sont ceux de Taizé (si on peut les appeler ainsi). Il y a 25 ans, au moment d’entrer dans la vie active, ils m’avaient accueilli chez eux trois mois. Maintenant, au mitan de ma vie, j’ai la possibilit­é d’un autre séjour au monastère pour regarder le chemin parcouru et la nouvelle route qui commence.

Comme les moines, je vais travailler ici. Je vais aussi prier. Et lire. Et méditer. Je m’isole pour être davantage proche du monde. La presse écrite demeure un moyen privilégié pour les moines de rester à l’affût de l’état du monde. Par les journaux, le monde entre dans l’abbaye. Et moi, c’est par le biais de notre journal que j’entre dans vos maisons, vos écoles et vos vies.

Voilà. L’essentiel est dit pour aujourd’hui. La cloche sonne. Je retourne à la prière. ■

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– Gracieuset­é
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scomo@nbnet.nb.ca

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