Un Predator qui souffre d’une grave crise d’identité
Trente-et-un ans après Predator, les sanguinaires extra-terrestres chasseurs de trophées humains reviennent en force au grand écran. Un retour qui ne passera malheureusement pas à l’histoire.
La mise au monde de The Predator (en salle depuis vendredi) aura été marquée par un paquet de complications.
Par exemple, la date officielle de sortie du film a été modifiée à trois reprises, notamment parce que le troisième acte a dû être intégralement refilmé à la demande des producteurs.
Le film a aussi été éclaboussé par un scandale sexuel.
Le réalisateur Shane Black a en effet donné un petit rôle à un vieil ami. Quand la comédienne Olivia Munn a appris que l’ami en question avait fait de la prison pour avoir tenté de leurrer une adolescente sur internet, elle a publiquement exprimé son indignation.
La scène où l’ami apparaît a finalement été coupée au montage.
Ajoutez à cela un accueil très timide des critiques et de l’industrie lors de la première mondiale dans le cadre du Festival international du film de Toronto et vous avez là un film à grand déploiement qui a plus que sa part de plomb dans l’aile.
ILS DÉBARQUENT
Il est difficile de résumer The Predator en quelques lignes tellement le scénario multiplie les intrigues sans jamais vraiment les approfondir.
Pour faire simple, disons simplement qu’un Prédateur renégat s’est enfui de sa planète et a trouvé refuge sur Terre.
Étudiée contre son gré par des scientifiques, la bête parviendra à s’enfuir. Elle sera alors prise en chasse par des agents du gouvernement, un Prédateur «évolué» qui veut lui régler son compte et une bande de mercenaires barjos menés par un soldat qui souhaite protéger son fils autiste.
Les accrochages entre les différents clans seront nombreux, tout comme les morts...
CRISE D’IDENTITÉ
The Predator est-il un film de science-fiction classique (à la Star Trek ou Star Wars) ou une oeuvre qui ne se prend pas au sérieux (comme Ghostbuster et Independance Day)?
Il m’est malheureusement impossible de répondre à cette question.
Dans les premier et troisième actes, on se croirait dans Mission: Impossible ou James Bond tellement le ton est grave. Pourtant, l’acte central repose principalement sur l’humour, les actions maladroites des personnages et les ridicules effusions de sang.
On est à des lieux ici des deux premiers films de la franchise, où l’exagération occupait une place importante - quand vos héros sont pourchassés par des humanoïdes reptiliens venus du ciel, il est de bon ton, il me semble, de se permettre quelques libertés qui feront sourire l’auditoire...
The Predator souffre donc d’une grave crise d’identité. Burlesque et dramatique se succèdent, au grand dam du cinéphile, qui ne sait plus trop à quoi il assiste.
QUELQUES BONS COUPS
The Predator n’est pas dépourvu de qualités pour autant.
Shane Black - qui a l’honneur d’avoir été la première personne tuée à l’écran par un Prédateur, dans l’oeuvre originale de 1987 - est allé plus loin que simplement raconter l’histoire d’un groupe d’humains traqué (comme dans les deux premiers épisodes).
L’ensemble manque de cohésion et de cohérence, mais bravo à Black de s’être affranchi de la formule classique.
Il est aussi parvenu à créer une bande de héros assez charismatiques et à donner à chacun d’eux une personnalité propre (ce qui est plus facile à dire qu’à faire).
Dommage que son héros principal (Boyd Hollbrook) soit plus arrogant qu’attachant et qu’il n’ait pas le dixième de la présence d’Arnold Schwarzenegger (qui n’était pourtant pas un grand comédien)...
RÉFLEXIONS
En préparation à cette chronique, j’ai revu cette semaine l’oeuvre originale de 1987. La comparaison entre les deux films est donc inévitable.
Par exemple, dans le premier Predator, il faut attendre à la 42e minute pour voir un portrait d’ensemble de l’extra-terrestre et à la 65e minute pour le voir tuer un humain à l’écran.
Jusque là, la menace posée par le Prédateur reposait entièrement sur la suggestion.
Dans le plus récent chapitre, on voit le monstre dès la première minute et le premier mort vient quatre minutes plus tard.
Ce nouveau volet répond aussi très rapidement à des questions que l’oeuvre originale avait laissées volontairement à l’interprétation: que sont les Prédateurs, d’où viennent-ils et pourquoi débarquent-ils sur la Terre?
Tout ceci me laisse croire que les bonzes de Hollywood croient que le cinéphile d’aujourd’hui est beaucoup moins patient et allumé qu’il y a 30 ans.
Devrait-on s’en offenser? ■