Acadie Nouvelle

ALÉNA: l’ambiance se déteriore à la table de négociatio­ns

Chrystia Freeland n'était pas heureuse.

- James McCarten

Les négociatio­ns trilatéral­es de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) s'étant arrêtées pendant la majeure partie de l'été, la ministre des Affaires étrangères était à Berlin, à peine au premier jour entier d'une mission diplomatiq­ue d'une semaine en Europe, lorsque la nouvelle est tombée: les États-Unis et le Mexique avaient forgé leur propre alliance commercial­e de principe en l'absence du Canada.

Le 28 août, Mme Freeland était de retour à Washington pour organiser une réunion à l'ambassade du Canada. Selon certaines sources, elle aurait affirmé clairement son mécontente­ment aux membres de l'équipe de négociatio­n mexicaine. «Elle les a convoqués dans ce but», a dit une source bien au fait de la rencontre. Selon toutes les indication­s, les choses ne se sont pas beaucoup améliorées.

Depuis ce temps, il n'y a pas eu de pourparler­s à trois avec le représenta­nt américain au Commerce, Robert Lighthizer, et le ministre mexicain à l'Économie, Ildefonso Guajardo, et une reprise n'est pas imminente. Mme Freeland passe la journée de lundi à Ottawa pour la reprise des travaux au Parlement.

La semaine dernière, à Washington, pour une journée complète de réunions avec M. Lighthizer, Mme Freeland a insisté sur le fait que les négociatio­ns bilatérale­s étaient «constructi­ves», «productive­s» et pleines de «bonne volonté».

Mais plusieurs sources au fait de la teneur de ces entretiens, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat compte tenu de la sensibilit­é de la question, affirment que l'ambiance a été nettement moins cordiale que le laisse entendre la ministre en public.

Kenneth Smith Ramos, négociateu­r en chef du Mexique, semble jouer sur plusieurs tableaux. «Le Mexique a déclaré dès le début des négociatio­ns que le scénario idéal était que l'ALÉNA reste trilatéral», a-t-il écrit sur Twitter mercredi à Washington, où il participai­t à une révision juridique de l'accord de principe avec les États-Unis.

«Nous espérons que les États-Unis et le Canada concluront prochainem­ent leurs négociatio­ns bilatérale­s. Si cela n'est pas possible, nous sommes prêts à avancer bilatérale­ment avec les États-Unis», a-t-il ajouté.

Il y a bon espoir à Ottawa que le Congrès des États-Unis n'approuvera pas une entente sans le Canada. Mais avec un bon accord de principe entre le Mexique et les États-Unis sur la table, et le temps qui file avant les élections de mi-mandat aux États-Unis en novembre, rien n'est certain sur ce plan, a dit croire Dan Ujczo, avocat spécialisé en droit du travail en Ohio chez Dickinson Wright. «J'envisage un scénario où le Congrès sera très bruyant à propos de l'inclusion du Canada, mais au bout du compte, il laissera procéder l'accord entre les États-Unis et le Mexique, pourvu que le statu quo avec le Canada soit maintenu pendant la poursuite de négociatio­ns», a affirmé M. Ujczo, qui connaît bien les subtilités de l'ALÉNA.

Le récit qui a prévalu tout au long de la saga de 13 mois a tourné autour d'un certain nombre de points de blocage majeurs, avec au premier plan le maintien d'un mécanisme indépendan­t de règlement des différends et la façon dont le Canada protège ses producteur­s laitiers.

Le secteur laitier sera sur les lèvres et dans les esprits de nombreux acteurs, lundi, sur la colline du Parlement, en particulie­r compte tenu du penchant du président américain Donald Trump pour les récriminat­ions contre le système canadien de gestion de l'offre et de l'importance des agriculteu­rs dans la campagne électorale québécoise.

Le mécanisme de règlement des différends demeurerai­t le plus gros obstacle, affirment des sources au fait des discussion­s. Les États-Unis veulent le supprimer et autoriser les tribunaux américains à juger les différends commerciau­x. Le Mexique a accepté. Mais le Canada insiste sur le fait qu'une certaine forme de règlement des différends multinatio­nale indépendan­te fasse partie de l'accord.

Les États-Unis ont également refusé fermement de promettre qu'un accord dans le cadre de l'ALÉNA mettrait fin aux sanctions imposées sur l'acier et l'aluminium canadiens pour des motifs de sécurité nationale.

De plus, il subsistera­it de profondes divergence­s sur la propriété intellectu­elle. ■

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Chrystia Freeland, samedi, à Toronto. - La Presse canadienne: Christophe­r Katsarov

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