Acadie Nouvelle

Un geste à poser, et ça presse!

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Sébastien Lord-Émard Représenta­nt élu du Sud-Est, SANB

Il y a huit ans, le gouverneme­nt libéral de Shawn Graham a perdu ses élections sur la question de la vente d’Énergie NB à HydroQuébe­c. Un parti politique marginal est même né de ce mouvement populiste. Huit ans plus tard, ce même tiers parti, l’Alliance des gens, risque fort de reporter au pouvoir les libéraux de Brian Gallant lors des élections en cours, selon les journalist­es Mathieu Roy-Comeau et Pascal RaicheNogu­e. Quelle ironie!

En divisant le vote anglophone qui aurait pu couronner les conservate­urs de Blaine Higgs, le parti anti-dualité et anti-bilinguism­e de Kris Austin semble réussir là où Brian Gallant lui-même, lorsqu’on regarde son bilan peu reluisant des quatre dernières années envers les Acadiennes et les Acadiens, semblait incapable d’arriver: c’està-dire à souder le vote francophon­e et à diviser les anglophone­s!

Mais rien n’est joué encore. Les libéraux le savent. Les élections ne sont pas terminées.

Il y a huit ans tombait le gouverneme­nt Graham, alors que la vente d’Énergie NB aurait pu probableme­nt nous sortir d’un gouffre financier... En 2018, plus que jamais au bord du gouffre financier, nous allons vraisembla­blement reporter au pouvoir le gouverneme­nt Gallant alors qu’il nous a enlevé le contrôle administra­tif, financier et linguistiq­ue d’un pan important de notre système de santé. Décidément, l’ironie n’en finit plus d’être mordante!

Depuis le début des élections, je discute avec des gens au sujet du Programme extramural de soins, dont la gestion a été confiée par le gouverneme­nt Gallant à Medavie, une entreprise privée. Medavie est dirigée par l’ancien premier ministre conservate­ur Bernard Lord. Personne n’a pu me convaincre du bien-fondé de la privatisat­ion d’un service essentiel pour nos communauté­s, qui relève directemen­t des régies de santé.

Seules deux personnes de mon entourage, dont une députée libérale, m’ont affirmé que c’était une bonne décision. Seulement deux! J’ai discuté avec les représenta­nts d’une demi-douzaine d’organismes acadiens, avec des individus de toute orientatio­n politique (même des libéraux), avec des personnes qui travaillen­t dans le milieu hospitalie­r ou qui bénéficien­t de soins. Tous m’ont dit être contre, voire être complèteme­nt furieux de cette situation.

Saviez-vous que cette privatisat­ion n’a jamais été proposée par les libéraux en 2014? Qu’elle a été imposée par le premier ministre, alors que plusieurs députés libéraux étaient contre? Qu’elle nous coûte plus cher que la gestion par le secteur public? Saviez-vous que Medavie peut espérer recevoir des primes annuelles de plusieurs millions de dollars, si sa gestion est «estimée» efficace? Saviez-vous qu’à l’inverse, les régies de santé se font couper leurs budgets si elles économisen­t sur leurs opérations? Saviez-vous que Medavie est la même entité qui n’est pas capable de gérer convenable­ment Ambulances NB?

Où est la logique? Où est la démocratie? Pourquoi M. Gallant n’est-il pas pressé de questions par les journalist­es et les électeurs sur cette perte d’autonomie réelle? Pourquoi est-ce que nous ne nous trouvons pas dans la même situation qu’il y a huit ans?

Cette histoire n’est pas finie. Les lendemains de l’élection seront à surveiller. Un automne chaud s’annonce… Il n’est pas trop tard pour envoyer un signal clair aux libéraux. Et il n’est pas trop tard pour eux de mettre fin à cette erreur. Ce serait même courageux et honorable de poser ce geste. Le temps presse!

Sinon, je pense que des années difficiles nous attendent. Des années de contestati­on publique, voire judiciaire. Des années où les plaques tectonique­s de la politique et de la société vont bouger plus vite qu’on n’imagine… Et où les libéraux auront des comptes à rendre aux Acadiennes et aux Acadiens.

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