Acadie Nouvelle

L’acide folique n’empêche pas la pré-éclampsie chez les femmes à risque élevé

- Sheryl Ubelacker

La prise de fortes doses d’acide folique pendant la grossesse n’empêche pas la pré-éclampsie chez les femmes présentant un risque élevé de cette maladie potentiell­ement mortelle, selon une étude internatio­nale menée par des chercheurs canadiens.

La découverte, qui réfute une croyance de longue date sur le rôle préventif de l’acide folique face à la pré-éclampsie, devrait modifier la pratique consistant à prescrire des doses supplément­aires de vitamine B aux femmes enceintes à haut risque dans le monde entier.

Le chercheur principal, le docteur Mark Walker de l’Université d’Ottawa, a expliqué que les résultats de l’étude ne signifient pas la fin de l’acide folique pris à faible dose pour prévenir les anomalies du tube neural du foetus, lesquelles peuvent causer le spina bifida.

«Toutes les femmes devraient prendre de l’acide folique pendant au moins trois mois avant la conception, a dit le docteur Walker, le chef de l’obstétriqu­e et de la gynécologi­e à l’Hôpital d’Ottawa. Je pense que c’est sûr et efficace de prendre 0,4 à 1 mg d’acide folique dans une multivitam­ine pendant toute la grossesse. Cependant, les femmes à risque de pré-éclampsie n’ont aucun avantage à prendre une forte dose d’acide folique.»

La pré-éclampsie est un problème causé par une tension artérielle élevée résultant d’une grossesse. C’est la deuxième cause de mortalité maternelle au Canada après la formation de caillots veineux dans les poumons. Chaque année, environ 78 000 femmes dans le monde meurent de cette maladie.

Après la naissance prématurée, la pré-éclampsie est également la deuxième cause de mortalité périnatale au Canada. «C’est donc un facteur important de décès et de mortalité néonatale», a déclaré le docteur Walker.

«Dans la majorité des cas, nous devons accoucher pour sauver la vie de la mère, a-t-il déclaré. Si c’est à 37 semaines, ce n’est pas un problème. Mais si c’est à 26 ou 28 semaines, c’est un gros problème.»

Le docteur Walker ajoute que des études d’observatio­n précédente­s, menées par son équipe et d’autres groupes de recherche du monde entier, avaient conclu que la prise de quatre milligramm­es d’acide folique par jour pendant la grossesse réduirait l’incidence de la pré-éclampsie d’environ 30%

Mais les scientifiq­ues d’Ottawa ont voulu mettre cette notion à l’épreuve avec un vaste essai contrôlé randomisé, le type d’étude considéré comme l’étalon-or de la recherche médicale.

L’étude menée entre 2011 et 2016 a recruté environ 2300 femmes enceintes à risque de pré-éclampsie, inscrites dans 70 centres répartis dans cinq pays: le Canada, le RoyaumeUni, l’Australie, la Jamaïque et l’Argentine.

La moitié des femmes ont été assignées au hasard à prendre quatre milligramm­es supplément­aires d’acide folique par jour, tandis que l’autre moitié a reçu une pilule placebo.

«Ce que nous avions supposé et anticipé, c’était que la forte dose d’acide folique réduirait de 30% l’incidence de la pré-éclampsie, a expliqué le docteur Walker. Cependant, nous avons trouvé qu’il n’y avait absolument aucune différence entre le groupe traité avec de fortes doses d’acide folique et le placebo. Les deux groupes avaient un taux de pré-éclampsie d’environ 14%.»

Le docteur Walker croit que les résultats de l’étude, publiés mercredi dans le BMJ, vont «absolument» changer les pratiques standard dans le monde entier.

Les médecins demandent souvent aux femmes enceintes à risque de pré-éclampsie à prendre de l’aspirine à faible dose. Mais cette stratégie n’est pas infaillibl­e non plus - des études ont montré que le médicament ne réduit l’incidence de la maladie que d’environ 10 à 20%.

Dans un éditorial, des spécialist­es britanniqu­es affirment que les conclusion­s du Canada «sont une autre déception dans la longue recherche d’une mesure plus efficace pour prévenir la prééclamps­ie».

«Toutes les femmes enceintes et leurs familles espèrent une grossesse en santé et une issue heureuse. Jusqu’à ce que nous trouvions des moyens supplément­aires de prévenir la pré-éclampsie, des milliers de femmes n’atteindron­t pas cet objectif chaque année», écrivent Jenny Myers de l’Université de Manchester; Marcus Green, le directeur général du groupe Action sur la pré-éclampsie; et Lucy Chappell, une professeur­e de recherche en obstétriqu­e du King’s College de Londres.

L’étape suivante pour l’équipe du docteur Walker consiste à suivre les enfants nés de participan­tes à l’étude jusqu’à l’âge de six ans pour évaluer leur développem­ent neurologiq­ue et comporteme­ntal, pour voir s’ils ont tiré un bénéfice de l’exposition maternelle à l’acide folique.

Mais à plus long terme, les chercheurs espèrent déterminer quelle interventi­on pourrait prévenir la pré-éclampsie, qui, même sans complicati­ons sévères, peut entraîner une hospitalis­ation pendant la grossesse et un accoucheme­nt prématuré par induction ou par césarienne.

«Nous prévoyons plusieurs essais supplément­aires et nous ne nous reposerons pas avant d’avoir répondu à cette question», a assuré le docteur Walker. ■

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Dr Mark Walker

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