Acadie Nouvelle

L’Alliance des gens est «un parti créé pour s’opposer au bilinguism­e», selon Michel Bastarache

- Mathieu Roy-Comeau mathieu.roy-comeau@acadienouv­elle.com

Près du tiers de l’électorat anglophone du Nouveau-Brunswick a voté «pour abolir le bilinguism­e» lors du scrutin de la semaine dernière, selon Michel Bastarache.

L’ancien juge de la Cour suprême du Canada analyse ainsi la percée historique de l’Alliance des gens, «un parti créé pour s’opposer au bilinguism­e».

Le juriste acadien a offert cette explicatio­n lors de son passage devant le comité du Sénat sur les langues officielle­s, mardi soir, à Ottawa.

«La situation vécue depuis plusieurs années ne me rend pas très optimiste», a-t-il dit au sujet du climat actuel entourant les questions linguistiq­ues au pays alors que le gouverneme­nt fédéral s’apprête à réviser sa loi sur les langues officielle­s.

«Voyez le résultat de l’élection de la semaine dernière (au Nouveau-Brunswick). On a un parti créé pour s’opposer au bilinguism­e, pour s’opposer aux écoles francophon­es et aux hôpitaux francophon­es, qui a obtenu 13% du vote de la population», a-t-il dit au groupe de sénateurs.

«En présumant que les Acadiens n’ont pas voté pour ce parti-là, ça veut dire que près du tiers des anglophone­s du Nouveau-Brunswick vote pour abolir le bilinguism­e, puis on dit qu’on a fait des progrès extraordin­aires.»

L’Alliance des gens a recueilli 12,6% des voix lors des élections provincial­es, tout juste devant le Parti vert qui a obtenu à 11,9%.

Selon le recensemen­t de 2016, 32,3% des Néo-Brunswicko­is ont le français comme langue maternelle. En supposant que le taux de participat­ion des francophon­es et des anglophone­s a été le même lors des élections et qu’aucun francophon­e n’a voté pour l’Alliance des gens, on peut estimer que le parti a reçu l’appui de 18,5% de l’électorat anglophone.

La formation politique qui détient la balance du pouvoir à Fredericto­n propose notamment l’abolition du commissari­at sur les langues officielle­s, la fin du transport scolaire homogène pour la minorité francophon­e et la fusion des deux réseaux de la santé en une seule entité bilingue.

L’Alliance veut aussi mettre fin à l’obligation pour Ambulance NB d’avoir au moins un travailleu­r paramédica­l bilingue dans chaque véhicule.

Selon la Boussole électorale de CBC, la dualité et le bilinguism­e étaient l’enjeu le plus important des élections pour 40% des répondants qui ont indiqué durant la campagne qu’ils avaient l’intention de voter pour l’Alliance des gens.

Dans un communiqué publié uniquement en anglais, mercredi, le directeur des communicat­ions de l’Alliance des gens, Wes Gullison, a assuré que son parti «respecte le bilinguism­e et le droit des deux groupes de langue officielle de recevoir des services dans la langue de leur choix partout dans la province.»

M. Gullison réagissait à la résolution adoptée mardi soir par le conseil municipal de Cap-Pelé pour mettre en garde les partis politiques traditionn­els contre l’idée de collaborer avec l’Alliance.

Les élus de Cap-Pelé se sont engagés à se tourner vers les tribunaux si le gouverneme­nt décide de collaborer avec l’Alliance pour nuire aux droits des francophon­es.

Michel Bastarache a prévenu les sénateurs du risque de «fermer les yeux» et de présumer «que nous avons fait des progrès extraordin­aires qui ne sont pas réversible­s» en matière de langues officielle­s.

«Plusieurs actions ont été intentées contre le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue, en matière de bilinguism­e, depuis cinq ans», a-t-il noté.

Au sujet de la modernisat­ion de la loi fédérale sur les langues officielle­s, Me Bastarache a confié qu’à son avis «la majorité des problèmes» en matière de bilinguism­e dans les institutio­ns fédérales «provient de l’applicatio­n défectueus­e de la loi plutôt que de sa portée».

«Malgré les discours positifs, la volonté politique n’est vraiment pas toujours présente», a-t-il déploré. ■

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Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada. - Archives

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