Acadie Nouvelle

Beaucoup mieux que rien du tout

- François Gravel francois.gravel@acadienouv­elle.com

Le Canada a conclu une entente avec les États-Unis qui permettra, si elle est adoptée, de sauver le libre-échange entre nos deux nations ainsi qu’avec le Mexique. Qu’est-ce que cela signifie pour le Nouveau-Brunswick? À la fois tout… et pas grand chose de neuf.

Les négociateu­rs canadiens ne détenaient pas le gros bout du bâton. Le président américain Donald Trump a souvent répété qu’il considère l’Accord de libre-échange nordaméric­ain (ALÉNA) comme étant le pire de l’histoire de l’humanité. Il a affirmé être prêt à le déchirer, peu importe les conséquenc­es économique­s pour son propre pays.

Le Canada est plus dépendant des ÉtatsUnis que l’inverse. L’économie et la population américaine­s sont dix fois plus importante­s que les nôtres. L’objectif était moins de réaliser des gains que de limiter les dégâts.

Le Nouveau-Brunswick est la province canadienne la plus dépendante des exportatio­ns aux États-Unis, tant en raison de la petitesse de son marché intérieur que de sa position géographiq­ue. Bon an mal an, 90% de nos exportatio­ns prennent la direction du pays de l’Oncle Sam.

Pourtant, la renégociat­ion de l’accord s’est effectuée dans une sorte d’indifféren­ce dans notre coin de pays. Nous venons de passer à travers cinq semaines de campagne électorale, pendant lesquelles les chefs de partis ont pratiqueme­nt ignoré le sujet. Tant les soubresaut­s des négociatio­ns que les menaces ponctuelle­s du président n’ont pas trouvé écho dans les autobus de campagne.

L’une des raison est l’absence d’influence de Brian Gallant, de Blaine Higgs, de David Coon et de Kris Austin sur le processus. Mais il y a plus.

Les produits pétroliers représente­nt plus de la moitié de nos exportatio­ns. La présence à Saint-Jean de la plus importante raffinerie au Canada, propriété d’Irving, explique cette situation. Or, personne n’a jamais cru que dans l’éventualit­é où les États-Unis se retireraie­nt du libre-échange avec le Canada, nos barils de pétrole seraient du jour au lendemain refoulés à la frontière.

L’industrie forestière représente l’autre grosse partie de l’équation. Or, le libreéchan­ge n’a jamais empêché les États-Unis d’imposer des tarifs punitifs à nos producteur­s. Il y en a avec l’ALÉNA, il y en aurait sans entente et il y en aura aussi sous le nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada. Bref, rien de neuf sous le soleil. Néanmoins, ne sous-estimons pas l’importance de l’accord qui vient d’être conclu. Ce n’est pas parce que nous ne construiso­ns plus d’autos dans la province depuis les beaux jours de la Bricklin que les derniers événements ne nous touchent pas (Trump menaçait d’imposer des tarifs de 25% sur les exportatio­ns canadienne­s de véhicules en cas d’échec des négociatio­ns).

Cet accord ne consacre pas vraiment de nouveaux acquis pour nos producteur­s et exportateu­rs. Mais il est mieux que rien. Beaucoup mieux que rien.

Des pans entiers des économies néobrunswi­ckoise et acadienne auraient été durement touchés ou auraient même été menacés de s’effondrer si les frontières étaient devenues plus étanches.

L’industrie des fruits de mer néo-brunswicko­ise, malgré l’ouverture de nouveaux marchés en Europe et en Asie, est encore à la merci de l’humeur des Américains. Selon un rapport du gouverneme­nt provincial, la valeur de nos exportatio­ns de fruits de mer aux États-Unis a été évaluée à 1,4 milliard $ en 2017. De nombreux emplois étaient en jeu.

L’ennui avec cette mouture du libreéchan­ge est que le statu quo est présenté comme une victoire. Nos exportateu­rs n’y gagnent pas un avantage. Au contraire, certaines entreprise­s, à commencer par les secteurs du lait, des oeufs et de la volaille, devront faire face à une concurrenc­e accrue. Le système de gestion de l’offre est toutefois maintenu et Ottawa s’est engagé à dédommager les producteur­s d’ici.

Notons par ailleurs que les consommate­urs réaliseron­t quelques gains. C’est le cas pour ceux qui utilisent le commerce en ligne.

Présenteme­nt, les Canadiens qui souhaitent commander des produits aux ÉtatsUnis doivent payer des frais de douane après un plafond de 20$. Le seuil passera à 150$, laissant ainsi plus de latitude aux consommate­urs sans pour autant ébranler le commerce au détail. La Place Champlain de Dieppe n’est pas sur le point de se vider de ses locataires et de ses clients.

Étant donné l’importance des enjeux, il y a matière à se réjouir.

Les négociateu­rs canadiens ont dû avaler quelques couleuvres (pensons à cette clause qui force Ottawa à aviser les États-Unis avant d’entreprend­re des négos avec un pays comme la Chine). Néanmoins, force est de constater que la conclusion d’une entente qui ressemble à la précédente et la fin de l’incertitud­e engendrée par les menaces de Donald Trump sont des éléments positifs pour le Nouveau-Brunswick.

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