Beaucoup mieux que rien du tout
Le Canada a conclu une entente avec les États-Unis qui permettra, si elle est adoptée, de sauver le libre-échange entre nos deux nations ainsi qu’avec le Mexique. Qu’est-ce que cela signifie pour le Nouveau-Brunswick? À la fois tout… et pas grand chose de neuf.
Les négociateurs canadiens ne détenaient pas le gros bout du bâton. Le président américain Donald Trump a souvent répété qu’il considère l’Accord de libre-échange nordaméricain (ALÉNA) comme étant le pire de l’histoire de l’humanité. Il a affirmé être prêt à le déchirer, peu importe les conséquences économiques pour son propre pays.
Le Canada est plus dépendant des ÉtatsUnis que l’inverse. L’économie et la population américaines sont dix fois plus importantes que les nôtres. L’objectif était moins de réaliser des gains que de limiter les dégâts.
Le Nouveau-Brunswick est la province canadienne la plus dépendante des exportations aux États-Unis, tant en raison de la petitesse de son marché intérieur que de sa position géographique. Bon an mal an, 90% de nos exportations prennent la direction du pays de l’Oncle Sam.
Pourtant, la renégociation de l’accord s’est effectuée dans une sorte d’indifférence dans notre coin de pays. Nous venons de passer à travers cinq semaines de campagne électorale, pendant lesquelles les chefs de partis ont pratiquement ignoré le sujet. Tant les soubresauts des négociations que les menaces ponctuelles du président n’ont pas trouvé écho dans les autobus de campagne.
L’une des raison est l’absence d’influence de Brian Gallant, de Blaine Higgs, de David Coon et de Kris Austin sur le processus. Mais il y a plus.
Les produits pétroliers représentent plus de la moitié de nos exportations. La présence à Saint-Jean de la plus importante raffinerie au Canada, propriété d’Irving, explique cette situation. Or, personne n’a jamais cru que dans l’éventualité où les États-Unis se retireraient du libre-échange avec le Canada, nos barils de pétrole seraient du jour au lendemain refoulés à la frontière.
L’industrie forestière représente l’autre grosse partie de l’équation. Or, le libreéchange n’a jamais empêché les États-Unis d’imposer des tarifs punitifs à nos producteurs. Il y en a avec l’ALÉNA, il y en aurait sans entente et il y en aura aussi sous le nouvel Accord États-Unis-Mexique-Canada. Bref, rien de neuf sous le soleil. Néanmoins, ne sous-estimons pas l’importance de l’accord qui vient d’être conclu. Ce n’est pas parce que nous ne construisons plus d’autos dans la province depuis les beaux jours de la Bricklin que les derniers événements ne nous touchent pas (Trump menaçait d’imposer des tarifs de 25% sur les exportations canadiennes de véhicules en cas d’échec des négociations).
Cet accord ne consacre pas vraiment de nouveaux acquis pour nos producteurs et exportateurs. Mais il est mieux que rien. Beaucoup mieux que rien.
Des pans entiers des économies néobrunswickoise et acadienne auraient été durement touchés ou auraient même été menacés de s’effondrer si les frontières étaient devenues plus étanches.
L’industrie des fruits de mer néo-brunswickoise, malgré l’ouverture de nouveaux marchés en Europe et en Asie, est encore à la merci de l’humeur des Américains. Selon un rapport du gouvernement provincial, la valeur de nos exportations de fruits de mer aux États-Unis a été évaluée à 1,4 milliard $ en 2017. De nombreux emplois étaient en jeu.
L’ennui avec cette mouture du libreéchange est que le statu quo est présenté comme une victoire. Nos exportateurs n’y gagnent pas un avantage. Au contraire, certaines entreprises, à commencer par les secteurs du lait, des oeufs et de la volaille, devront faire face à une concurrence accrue. Le système de gestion de l’offre est toutefois maintenu et Ottawa s’est engagé à dédommager les producteurs d’ici.
Notons par ailleurs que les consommateurs réaliseront quelques gains. C’est le cas pour ceux qui utilisent le commerce en ligne.
Présentement, les Canadiens qui souhaitent commander des produits aux ÉtatsUnis doivent payer des frais de douane après un plafond de 20$. Le seuil passera à 150$, laissant ainsi plus de latitude aux consommateurs sans pour autant ébranler le commerce au détail. La Place Champlain de Dieppe n’est pas sur le point de se vider de ses locataires et de ses clients.
Étant donné l’importance des enjeux, il y a matière à se réjouir.
Les négociateurs canadiens ont dû avaler quelques couleuvres (pensons à cette clause qui force Ottawa à aviser les États-Unis avant d’entreprendre des négos avec un pays comme la Chine). Néanmoins, force est de constater que la conclusion d’une entente qui ressemble à la précédente et la fin de l’incertitude engendrée par les menaces de Donald Trump sont des éléments positifs pour le Nouveau-Brunswick.