«Entretenir des ruines, ça coûte cher» - Mgr Jodoin
Monseigneur Daniel Jodoin comprend la peine du Comité de sauvegarde de l’église de Bas-Caraquet. Lui aussi se dit attristé par la démolition prochaine des ruines de ce qui a été un bâtiment patrimonial prisé jusqu’à l’incendie de juin. Mais justement, ce ne sont plus que des ruines, précise le grand patron du diocèse de Bathurst.
L’évêque a avisé les fidèles de la communauté, dimanche, de la décision prise par un ensemble de comités, dont le comité de gestion de la paroisse Saint-Paul. Aucune cachette, transparence complète, assure le prélat. Le diocèse a également publié un long communiqué en page 6 de notre édition de mercredi.
Il a aussi mentionné que l’argent des assurances - près de 2,5 millions $ - servira à la construction d’un nouveau lieu de culte. Ce sera une petite église sur un seul plancher et trois clochers, une salle communautaire et un mausolée fabriqué avec les pierres de l’ancien bâtiment à titre de souvenir.
«Ce sera quelque chose qui répondra aux besoins de la communauté d’aujourd’hui et de demain. Ce sera beau et ce sera entièrement payé. La paroisse n’aura aucune dette. Notre mission en tant que diocèse est de fournir un beau lieu de culte, point», a confirmé Mgr Jodoin en entrevue au journal.
Il ajoute que le diocèse n’a absolument rien à cacher dans ce dossier émotif. Le rapport des ingénieurs néo-écossais est disponible pour qui veut avoir des preuves de l’état de la structure.
«Le comité de sauvegarde se dit insulté, mais il n’est pas l’assuré. Il n’a donc aucun droit sur cette église et le terrain. Oui, on peut sauver n’importe quoi avec des millions de dollars, mais sauver ce bâtiment demanderait des coûts prohibitifs. Cette église fait partie du patrimoine? J’adore le patrimoine, mais là, on parle de ruines. Ce n’est pas pareil. Et entretenir des ruines, ça coûte cher», poursuit Mgr Jodoin, qui se dit également prêt à laisser la responsabilité au comité de sauvegarde s’il accepte d’assumer tous les frais de préservation, d’entretien et de sécurité des lieux qui pourraient s’élever à 250 000$.
Sans oublier que l’assuré - en l’occurrence le diocèse - doit prendre une décision dans les 150 jours suivants l’incendie. Cela donne à la fin novembre.
«Quand j’ai annoncé notre décision dimanche, les fidèles se sont levés et ont applaudi. Ils étaient pleins de joie. Ce sont eux qui vont fréquenter le nouveau lieu de culte. Ils voulaient une solution et c’est la meilleure que nous avons», a insisté Mgr Jodoin.
DES ÉTUDIANTS DU QUÉBEC EN VISITE
Comme synchronisme, difficile de trouver mieux… ou pire pour les 15 étudiants du baccalauréat en architecture de l’Université Laval de Québec venus analyser la structure de l’église de Bas-Caraquet.
Le ciel gris et le froid ajoutent une ambiance lugubre aux ruines, mais Mathieu Boucher-Côté, l’enseignant du groupe, doit voir au-delà de ça.
«On est en plein stir», dit-il en bon
Acadien d’adoption.
Invité par le Comité de sauvegarde de l’église de Bas-Caraquet, la délégation n’a pu entrer dans les lieux qu’en fin d’aprèsmidi.
Peu importe, avec la vue extérieure de ce qui reste debout, des photos de l’intérieur et une représentation 3D de l’architecte Jacques Boucher, ces apprentis peuvent avoir une bonne idée des possibilités du lieu dans le cadre de ce projet étudiant.
«C’est un peu dramatique, reconnaît l’enseignant. On a eu une tragédie avec le feu, mais ce serait une vraie tragédie de ne pas réfléchir avant de poser des gestes. On parle de la gestion des coûts, mais il y a toujours un coût en construction. Il n’y a rien de gratuit.»
Selon lui, l’aspect sacré d’un lieu centenaire et représentatif des ancêtres de BasCaraquet l’emporte sur l’aspect navrant des ruines. C’est pourquoi ses étudiants auront 10 semaines pour proposer des projets de restauration. Mais peut-être que d’ici là, le pic des démolisseurs aura fait son oeuvre…
Charles Boily et ses collègues y voient une source infinie d’informations et un immense potentiel architectural.
«C’est une chance unique pour nous. Nous sommes devant un bâtiment qui a une histoire proche de la communauté. Tellement proche que les autos s’arrêtent devant nous pour voir ce qui se passe. Avant de penser à une démolition complète, il serait bon d’en conserver une partie pour valoriser le patrimoine», dit-il. ■