Acadie Nouvelle

C’est honteux!

- Lucie LeBouthill­ier Présidente du comité de sauvegarde de l’église de Bas-Caraquet

Dimanche, l’évêque du diocèse de Bathurst est venu en visite surprise, pour ne pas dire en cachette, à la messe à l’école à Bas-Caraquet. Il a annoncé aux paroissien­s présents qu’il avait tous les rapports en main, que tous les comités avaient été consultés et que comme ça coûterait trop cher pour sauver les murs de l’église, tout serait rasé pour bâtir une «belle petite église». C’est à peu près ce qu’il avait annoncé le lendemain des terribles incendies qui ont ravagé notre magnifique église le 26 juin dernier. Les paroissien­s présents, pris de court et craignant bien légitimeme­nt de ne plus avoir d’église, ne pouvaient que s’incliner.

On peut se demander si l’évêque est amnésique, car le comité de sauvegarde n’a jamais été consulté. Les membres du conseil paroissial avaient ordre de ne pas parler – la loi du silence – surtout pas aux «méchants» membres du comité de sauvegarde. Le représenta­nt des assurances nous a confirmé qu’on lui avait défendu de donner le rapport sur la solidité des murs à quiconque sauf au diocèse de Bathurst. Tout s’est passé derrière des portes closes. Le curé de la paroisse qui porte la parole de l’évêque nous avait dit que la population serait consultée et que toutes les options seraient étudiées. Eh bien, normalemen­t, les consultati­ons viennent avant les annonces, donc la population, elle, attend toujours la consultati­on, même si c’est bien évident qu’il n’y en aura pas.

Le 19 août, le comité de sauvegarde a organisé une réunion publique pour donner la chance à la population de s’exprimer. Les membres du conseil de gestion de la paroisse, présidé par père Thériault, ont été invités à y participer. Il a répondu qu’ils n’y participer­aient pas. Toujours la même stratégie du silence. Cette semaine, 15 étudiants en architectu­re patrimonia­le de l’Université Laval sont venus étudier les murs de l’église pour proposer des options d’utilisatio­n des murs. Là encore, le père Thériault a refusé qu’ils entrent à l’intérieur de la clôture de l’église pour leur permettre de faire cette étude. C’est triste, c’est honteux et c’est méprisant!

Les membres du comité de sauvegarde n’ont rien à prouver. Nous avons travaillé bénévoleme­nt d’arrache-pied pour sauver ce patrimoine inestimabl­e. Nous avons réussi à rassembler la communauté autour d’un projet qui a donné 5 ans de plus à l’église, alors même que l’évêque voulait la détruire. Selon lui, ça allait coûter 4 millions $ pour la sauver, alors qu’après une bataille de deux ans et l’avis de trois groupes d’experts, il a été prouvé que ça coûterait au plus 1,2 million $.

Nous voyons bien que c’est la même histoire qui se répète et que l’évêque veut saisir cette nouvelle chance, suite aux terribles incendies de l’église du 24 et 25 juin dernier, pour l’abattre enfin.

Si les murs ne peuvent pas supporter une constructi­on, que ce rapport soit présenté à toute la population par les ingénieurs qui l’ont préparé et que l’évêque organise une réunion publique dans ce sens, bien publicisée d’avance, pour que tout le monde

puisse arriver à la même conclusion que lui. Sans ça, un doute subsistera toujours dans l’esprit des gens et la crédibilit­é de l’évêque et du diocèse sera ternie à jamais.

Où sont les valeurs de l’église? L’écoute, le respect, la compassion, l’ouverture d’esprit, le rôle de rassembleu­r et non de diviseur? Et après on se demande pourquoi les églises se vident! Nous demandons qu’on nous respecte, nous et toute la communauté qui avons appuyé le projet de la sauvegarde, nos ancêtres qui ont bâti ce formidable monument et tous ceux et celles qui ont travaillé et payé, autrefois et aujourd’hui encore, pour cette église. Ne serait-ce pas faire preuve d’un minimum de décence que d’offrir à la population de Bas-Caraquet, si fidèle à l’Église, l’occasion d’être complèteme­nt informée par les experts qui s’y

connaissen­t? Faire preuve de compassion pour cette communauté, pour son deuil toujours présent et la souffrance qui s’y rattache, pour les donateurs qui ont investi plus de 800 000$ pour sauver l’église que de les informer et de les consulter?

Les valeurs de morale et d’éthique que nous a enseignées l’Église nous disent dans le fond de notre âme que la décision n’appartient pas seulement à l’évêque et aux instances diocésaine­s, ni au comité de sauvegarde, mais à l’ensemble de la population acadienne qui a contribué à cette église. Si l’évêque de Bathurst ne consulte pas et n’informe pas plus largement tous les acteurs de cette triste saga et que les murs de ce patrimoine religieux acadien unique au monde tombent, il devra en porter l’odieux et son nom passera dans l’histoire à ce titre. ■

Newspapers in French

Newspapers from Canada