Acadie Nouvelle

Michaëlle Jean larguée par Ottawa et Québec

- Mélanie Marquis

Michaëlle Jean se fait larguer par Ottawa et Québec. Si les chances de la Canadienne, qui brigue un second mandat aux commandes de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie (OIF), étaient déjà excessivem­ent minces, elles viennent de passer à quasi nulles, à deux jours de l’ouverture du sommet d’Erevan, en Arménie.

Le premier ministre désigné du Québec, François Legault, a clairement signalé mardi qu’il ne se rangerait finalement pas dans le camp de l’ancienne gouverneur­e générale, qui est engagée dans une lutte l’opposant à Louise Mushikiwab­o, ministre des Affaires étrangères du Rwanda, qui jouit de l’appui de la France et de l’Union africaine.

«L’Afrique recèle de potentiels énormes, tant pour notre économie, que pour l’avenir de la langue française. C’est pourquoi j’ai l’intention d’appuyer une candidatur­e provenant de ce continent», a-t-il annoncé dans une déclaratio­n écrite, quelques heures avant de s’envoler vers l’Arménie à bord de l’avion du premier ministre canadien Justin Trudeau.

«Le gouverneme­nt désigné de la Coalition avenir Québec prévoit donner son appui à une candidatur­e qui entendra promouvoir résolument la langue française, la gouvernanc­e démocratiq­ue et développer la francophon­ie économique sur la scène internatio­nale et qui assurera au Québec un rôle actif au sein de l’OIF», a indiqué M. Legault.

Le premier ministre désigné a souligné dans le même communiqué qu’il reconnaiss­ait «le travail de Mme Jean au cours des dernières années, notamment auprès des femmes et des jeunes», mais il a fait valoir qu’il était «maintenant temps de laisser place à un nouveau style de gestion».

Au bureau du premier ministre Trudeau, on n’a pas explicitem­ent confirmé qu’Ottawa retirait son appui à la Canadienne. C’est l’attaché de presse de la ministre de la Francophon­ie, Mélanie Joly, qui a officielle­ment annoncé le désaveu du gouverneme­nt canadien, mardi. Mais cette position est bel et bien celle du gouverneme­nt, a-t-on confirmé.

«Pour ce qui est du poste de secrétaire général, le Canada est prêt à se rallier au consensus, comme le veut la façon de faire en Francophon­ie», a écrit Jeremy Ghio dans un courriel, saluant au passage «le travail de Mme Jean à la tête de la Francophon­ie, notamment en ce qui a trait à l’éducation des filles et l’émancipati­on des femmes».

Au cours des derniers jours, plusieurs sources gouverneme­ntales fédérales avaient fait savoir que la réélection de Michaëlle Jean, qui a été portée à la tête de l’OIF en 2014 en raison de l’absence d’une candidatur­e africaine consensuel­le, serait «difficile» et qu’en Arménie, le Canada se rallierait à un consensus s’il y en avait un.

«On lui a fait comprendre directemen­t qu’on ne sentait pas qu’elle avait les appuis nécessaire­s à partir de ce qu’on a vu sur le terrain», a rappelé mardi une source canadienne bien au fait de la course à la direction de l’OIF. «Clairement, il faudra qu’elle se rende à l’évidence», a ajouté cette même source.

Du côté de la secrétaire générale sortante de l’OIF, on a laissé savoir qu’il y aurait réaction «sans doute calmement demain matin», a indiqué le porte-parole Bertin Leblanc, alors qu’il était environ 1h30, heure locale, en Arménie. Samedi, il avait signalé à La Presse canadienne que Michaëlle Jean «sera(it) là jusqu’au bout et probableme­nt au-delà».

Le sommet de la Francophon­ie se tient les 11 et 12 octobre à Erevan, la capitale de l’Arménie. Traditionn­ellement, l’élection au poste de secrétaire général de l’OIF se fait par consensus, et non par vote. Au gouverneme­nt canadien, on craignait que la lutte JeanMushik­iwabo n’occulte le reste de l’événement.

MUSHIKIWAB­O CONTESTÉE

La Rwandaise ne fait toutefois pas l’unanimité, même en France, où le président Emmanuel Macron a jeté son dévolu sur elle. Quatre ex-ministres français responsabl­es de la Francophon­ie ont d’ailleurs signé une lettre ouverte intitulée «Louise Mushikiwab­o n’a pas sa place à la tête de la Francophon­ie» en septembre dans le quotidien Le Monde pour afficher leur désapproba­tion.

Sa candidatur­e fait aussi grincer des dents notamment parce que le pays africain a tourné le dos à la langue de Molière en remplaçant le français par l’anglais dans son cursus d’enseigneme­nt en 2010, mais également en raison de son bilan peu reluisant en matière de droits de la personne. ■

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Michaëlle Jean

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