Acadie Nouvelle

Faut-il donner plus de mordant à la Loi canadienne sur les langues officielle­s?

- Mathieu.roy-comeau@acadienouv­elle.com @roycomeau

Le moment est-il venu de donner du plus de mordant à la Loi canadienne sur les langues officielle­s? Plusieurs experts pensent que oui et proposent la création d’un tribunal administra­tif pour y arriver.

Le bilan que fait Jean Johnson de la Loi fédérale sur les langues officielle­s n’est pas réjouissan­t.

«L’histoire de la loi, c’est l’histoire d’un demi-siècle d’infraction­s et de mise en oeuvre incomplète», racontait ce printemps le président de la Fédération canadienne des communauté­s francophon­es et acadienne (FCFA) aux membres du comité du Sénat canadien sur les langues officielle­s.

Le comité dont font partie trois sénateurs du Nouveau-Brunswick s’est donné pour mandat l’an dernier de consulter les Canadiens en prévision de la modernisat­ion de Loi sur les langues officielle­s promise par les libéraux du premier ministre Justin Trudeau.

CRÉATION D’UN TRIBUNAL DES LANGUES OFFICIELLE­S

Les sénateurs sont encore loin d’avoir terminé leur travail, mais un consensus émerge déjà parmi les parties prenantes et les experts qui participen­t aux consultati­ons: la loi a besoin de véritable mordant.

Pour ce faire, plusieurs d’entre eux proposent la création d’un tribunal administra­tif des langues officielle­s.

«Les raisons sont assez simples. Un tribunal serait plus facile d’accès aux Canadiens et aux Canadienne­s que la Cour fédérale. Il y aurait plus de sanctions pour manquement­s directs à la loi», avançait la politologu­e Stéphanie Chouinard du Collège militaire royal du Canada lors de son passage devant le comité en avril.

«Une telle modificati­on donnerait, à mon avis, un sens renouvelé à la Loi sur les langues officielle­s, tant pour les Canadiens et les Canadienne­s que pour les institutio­ns politiques qui doivent la respecter.

Les uns pourraient enfin obtenir des ordonnance­s pour les manquement­s à la loi, et les autres auraient un incitatif tangible à s’engager à l’égard du respect des langues officielle­s, incitatif qui semble, de toute évidence, manquer dans le système actuel qui privilégie la carotte au bâton», disait-elle.

La FCFA recommanda­it déjà la création d’un tribunal administra­tif lors de la précédente révision de la loi, en 1988, et l’idée tient toujours, selon Jean Johnson.

«Nous demandons que la loi prévoie un cadre de surveillan­ce de sa mise en oeuvre bien plus robuste et efficace que celui qui existe.»

«Le Parlement n’aurait pas à réinventer la roue», note la Fédération dans son mémoire présenté au comité, puisque la Commission des droits de la personne possède déjà un tribunal administra­tif du même genre.

Une Division des langues officielle­s pourrait même être créée au sein du tribunal administra­tif des droits de la personne, propose-t-on.

«Les droits linguistiq­ues sont, après tout, des droits de la personne.»

UNE PARTICIPAT­ION PLUS SYSTÉMATIQ­UE

Si Ottawa décidait d’aller de l’avant avec la création d’un tribunal administra­tif, le mandat du commissair­e aux langues officielle­s devrait aussi être modifié.

Le rôle principal du commissair­e est d’enquêter sur les possibles infraction­s des institutio­ns fédérales à la loi sur les langues officielle­s. Le commissair­e n’a pas le pouvoir d’imposer des sanctions aux institutio­ns fautives, mais il peut toutefois essayer de convaincre la Cour fédérale de sévir.

Au lieu de laisser à la discrétion du commissair­e la possibilit­é de participer aux causes linguistiq­ues devant les tribunaux, il est proposé que sa participat­ion se fasse de manière plus systématiq­ue.

«Une refonte de la Loi sur les langues officielle­s pourrait ainsi donner un nouveau souffle au rôle du commissari­at en tant qu’enquêteur et lui imposer une présence devant les tribunaux pour veiller à ce que les preuves et les connaissan­ces diverses qu’il détient en matière de langues officielle­s, et notamment en ce qui a trait aux plaintes récurrente­s et aux problèmes systémique­s, soient utiles à ce tribunal (administra­tif )», estime Stéphanie Chouinard.

«DE LA MUSIQUE À SES OREILLES»

Le directeur du Bureau des affaires francophon­es et francophil­es de l’Université Simon Fraser, l’Acadien Gino LeBlanc, s’est également exprimé pour la création d’un tribunal administra­tif lors de son témoignage devant le comité, tout comme Eva Ludvig du Quebec Community Groups Network, l’équivalent anglo-québécois de la FCFA.

Le comité du Sénat sur les langues officielle­s n’a pas encore présenté son rapport sur ces consultati­ons. Au moins un membre du comité, l’Acadien Paul McIntyre, semble toutefois assez enthousias­te à l’idée du tribunal administra­tif. Lors que la présentati­on de la FCFA, le sénateur conservate­ur a confié que cette propositio­n était «de la musique à (ses) oreilles».

«Lors des réunions de nos comités, j’ai soulevé à quelques reprises toute la question du mécanisme manquant pour assurer que la Loi sur les langues officielle­s est pleinement appliquée. Aujourd’hui, j’ai l’impression que mes propos ont été entendus. À l’heure actuelle, faute de modèle punitif, le système ne fonctionne tout simplement pas», a déclaré M. McIntyre.

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Jean Johnson, président de la FCFA. - Archives
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