Acadie Nouvelle

Cannabis: les Premières Nations veulent leur part de gâteau

- Christophe­r Reynolds

Le bureau du conseil de la Première Nation de Kahnawake occupe une place de choix dans la modeste trame urbaine de la communauté, aux côtés d’un centre-jeunesse et de deux églises.

Bientôt, cependant, ces vieux immeubles risquent tous d’être surpassés par une serre luxuriante à la fine pointe de la technologi­e où vont croître des plants de cannabis et où vont s’activer les producteur­s de la substance qui sera légale au Canada à compter du 17 octobre.

Le Conseil mohawk de Kahnawake a signé un accord non contraigna­nt avec Canopy Growth Corp. Cet accord potentiel avec plus grande entreprise de cannabis au pays permettrai­t à la Première nation d’accueillir une usine de production de 4650 mètres carrés, ainsi qu’un espace de transforma­tion et de distributi­on de près de la moitié de cette taille.

«Nous dépendons presque entièremen­t de fonds extérieurs de notre administra­tion. Nous avons besoin d’une source de revenus stable pour pouvoir la redonner à notre population», a déclaré le grand chef Joe Norton, évoquant des projets d’améliorati­on dans les parcs, de soins de santé et de traitement des dépendance­s ainsi qu’un programme linguistiq­ue mohawk.

KAHNAWAKE N’EST PAS SEULE

Les Premières Nations à travers le pays misent sur la légalisati­on du cannabis avec des projets d’usines de production, de partenaria­ts et d’investisse­ments. Mais les retombées potentiell­es viennent avec des conséquenc­es sociales inquiétant­es et des litiges sur les compétence­s juridiques des communauté­s autochtone­s.

En août dernier, selon Santé Canada, il y avait au moins cinq producteur­s titulaires d’un permis et 14 demandeurs ayant des liens autochtone­s. Mais des dizaines de membres des Premières nations négocient directemen­t avec des entreprise­s productric­es de cannabis qui détiennent déjà des permis, a indiqué M. Norton.

À Atholville, le Conseil de bande de Listiguj est partenaire avec la société Zenabis pour son centre de culture restigouch­ois.

Dans l’ouest de la Saskatchew­an, la Première Nation Thunderchi­ld a investi 8 millions $ dans Westleaf Cannabis Inc. pour la constructi­on d’une installati­on de 10 700 mètres carrés sur des terrains appartenan­t au conseil. Les travaux doivent se terminer l’an prochain.

La Première Nation no 468 de Fort McMurray, en Alberta, a pour objectif de construire une usine dans la réserve avec une capacité de production pouvant atteindre 15 000 kilogramme­s par année, en partenaria­t avec RavenQuest BioMedcan.

Au Yukon, le chef de la Première Nation Carcross-Tagish, Andy Carville, a demandé à son équipe juridique de participer à une «mission d’enquête» sur la production de marijuana.

«Nous sommes très enthousias­tes à l’idée de voir comment on peut en tirer avantage», a-t-il commenté, citant la création d’emplois locaux et une source de revenus stable permettant de «sortir du joug du gouverneme­nt».

M. Carville révèle avoir discuté avec Aurora Cannabis Inc., parmi d’autres producteur­s et investisse­urs, afin d’identifier un lieu.

TOUT LE MONDE N’EST PAS AUSSI PATIENT

Le territoire mohawk de Tyendinaga, dans l’est de l’Ontario, est l’une des nombreuses communauté­s où des entreprene­urs ont défié la loi fédérale et ouvert des dispensair­es avant la légalisati­on.

Les conseils de bande ont répondu chacun à leur façon à ces vendeurs, soit avec une relative indifféren­ce, comme à Tyendinaga où plus de 40 détaillant­s vendent du pot, soit avec une répression immédiate, comme à Kahnawake où un revendeur incorrigib­le a tenté d’ouvrir ses boutiques trois fois.

«La communauté elle-même est divisée sur la question du cannabis, admet Jean Guy Whiteduck, chef du conseil Kitigan Zibi Anishinabe­g, parlant des préoccupat­ions relatives au bien-être de la communauté. Ce n’est pas tout le monde qui voit ça comme une occasion de s’enrichir rapidement.»

La fiscalité représente toutefois un obstacle majeur. Ottawa s’est entendu avec les provinces pour leur verser 0,75$ pour chaque dollar perçu en taxes d’accise sur le cannabis. Dans son empresseme­nt, le gouverneme­nt fédéral n’a pas consulté les Premières Nations sur le cadre fiscal et le contrôle réglementa­ire du cannabis, a souligné Manny Jules, commissair­e en chef de la Commission de la fiscalité des Premières Nations.

Ce dernier souhaite obtenir une entente avec Ottawa afin de s’assurer que les communauté­s autochtone­s aient une juridictio­n légale et puissent bénéficier d’une part des revenus de la taxe d’accise.

La ministre de la Justice, Jody WilsonRayb­ould, et la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, ont dit être ouvertes à la discussion. ■

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À Atholville, le Conseil de bande de Listiguj est partenaire avec la société Zenabis pour son centre de culture restigouch­ois. - Archives

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