Mieux vaut parfois écouter de vieilles cassettes
Dans son commentaire du 13 octobre, intitulé Les petits-enfants avant les aînés, Bernard Thériault dit que les revendications des aînés reviennent à chaque élection comme de vieilles cassettes. Il aurait été intéressant qu’il les cite, mais il ne le fait pas.
Quand il dit que les membres des associations d’aînés «semblent» se plaindre d’être les grands négligés, il aurait intérêt à dire de quoi il s’agit et quand les déclarations ont été faites, mais il ne le fait pas.
Je suis membre de l’Association des aînés depuis toujours. Je n’ai jamais trouvé qu’elle sonne comme une vieille cassette quand elle revendique des soins en français dans les foyers de soins pour les aînés francophones; quand elle demande que le calcul des coûts pour vivre en foyer de soins soit raisonnable; quand elle insiste pour qu’on investisse davantage dans les soins à domicile pour permettre aux aînés de demeurer chez eux le plus longtemps possible; quand elle recommande que les soins médicaux à domicile – le Programme extra-mural – demeurent sous la juridiction du secteur public plutôt que de l’offrir au privé à un coût supérieur de 44 millions sur dix ans alors que le service est déjà de qualité moindre.
Les aînés ne demandent pas la charité quand ils ont à vivre dans un foyer de soins. S’il en coûte tant par jour pour y habiter, qu’on n’aille pas augmenter exagérément les coûts pour, par la suite, aller les dépouiller de leurs avoirs comme ce fut le cas avant 2005, surtout, sous les gouvernements libéraux et progressistes-conservateurs de l’époque. Il pouvait en coûter entre 44 202 et 66 430$ par an pour chambre et pension dans un foyer. Il s’agissait là du taux le plus élevé au pays. À ce rythme, par exemple, la pension de retraite de la plupart des enseignants n’aurait pas suffi pour payer les frais d’habitation dans ces établissements.
Cela ne semblait pas préoccuper les gouvernements de l’époque. Si le revenu n’allait pas suffire, on irait assécher toutes les liquidités après quoi on exigerait que soient vendus chalet, maison et lots boisés.
Reg McDonald, ancien ministre libéral des aînés, était tout à fait d’accord avec une telle politique jusqu’au jour où son épouse dut être placée dans un foyer de soins. En plus de son revenu à elle, il fallait prendre une partie du sien et tout vendre. Il restait à décider lequel devrait partir : le chalet ou la maison.
C’est le libéral Shawn Graham qui est venu en 2006 à l’assemblée générale annuelle de la Coalition pour les droits des aînés et des résidents des foyers de soins promettre que s’il était élu, il n’inclurait pas les avoirs dans le calcul pour vivre en foyer de soins. Il a gardé promesse.
Sous David Alward, les avoirs furent rajoutés au calcul. Devant le profond déplaisir des aînés, Brian Gallant a promis aux électeurs lors de la campagne de 2014 que s’il était élu, il corrigerait la situation. Il ne l’a pas fait.
À peine en poste, le premier ministre Gallant nomma Cathy Rogers au Développement social. Celle qui avait eu comme slogan de campagne «Une voix forte pour les aînés», allait recommander au conseil des ministres qu’on fasse passer le coût pour vivre en foyer de soins de 113$ par jour – le plus élevé de tous les provinces et territoires – à 175$. Si le gouvernement avait dû accepter une telle politique, il en aurait coûté entre 41 245 et 63 875$ par an pour vivre en foyer de soins. Dans le cas où le revenu n’aurait pas suffi, on serait allé piger dans les avoirs des aînés même si on avait promis autrement.
La lutte a duré près de six mois, et le gouvernement a dû faire marche arrière tellement la pression publique était forte. La lutte contre la privatisation du Programme extra-mural a duré un an, de janvier à décembre 2017. Le gouvernement s’est entêté et est allé de l’avant quand même.
Brian Gallant admettait tout récemment «qu’il aurait pu faire preuve d’une meilleure écoute au cours des quatre dernières années».
Quelle évidence! Ça ne fait peut-être pas de tort d’écouter à de vieilles cassettes. ■