Acadie Nouvelle

U de M: une occasion de réflexion

- Jacques Paul Couturier Recteur et vice-chancelier par intérim, Université de Moncton

Le texte qui suit est une allocution prononcée par le recteur et vice-chancelier par intérim de l’Université de Moncton, Jacques Paul Couturier, lors de l’ouverture officielle du 3e Rendez-vous de L’alUMni et, par la même occasion, de la 6e conférence Acadie 2020. Cette allocution s’inscrit dans le débat public sur l’avenir de l’Université de Moncton lancé dans un texte intitulé Vers un nouveau départ pour l’Université de Moncton et publié dans l’édition du 13 octobre de l’Acadie Nouvelle.

Comme vous devez bien vous en douter, la thématique de cette 6e conférence Acadie 2020 m’interpelle au plus haut point, à la fois en raison du poste que j’occupe actuelleme­nt, mais aussi parce que, comme diplômé, j’aime profondéme­nt cette université qui m’a tant donné personnell­ement, et qui a tellement contribué à l’essor de la société acadienne dont je suis issu.

J’applaudis l’initiative de L’alUMni de nous fournir cette occasion d’entamer une conversati­on au sujet de l’université et de son avenir. Cette conversati­on, il est important que nous l’ayons, en raison du rôle de l’Université de Moncton en Acadie et de la nature des défis qu’elle est appelée à relever.

À cet égard, je suis de ceux qui pensent que l’université doit dans les prochaines années accélérer sa transforma­tion de manière à pouvoir répondre aux impératifs de sa mission - être une université généralist­e, exclusivem­ent de langue française, au service de la société acadienne et universell­e par le biais de ses activités d’enseigneme­nt, de recherche et de services à la collectivi­té dans les trois régions acadiennes du Nouveau-Brunswick.

Ceci étant dit, je suis d’avis que la réflexion doit reconnaîtr­e clairement le caractère spécifique de ce que j’appelle «l’institutio­n universita­ire». L’Université de Moncton est avant toute chose une «université», ce qui implique qu’elle n’est pas fondamenta­lement différente des autres université­s, avec tout ce que ceci peut comporter de particular­ités et de différence­s par rapport à d’autres modèles organisati­onnels, notamment ceux issus du monde des affaires. Parce qu’elle est une université, l’Université de Moncton vit généraleme­nt les mêmes réalités et les mêmes défis que les autres, que ce soit sur le plan de sa gouvernanc­e, de son recrutemen­t, de sa programmat­ion, de ses relations de travail et ainsi de suite.

Je souscris à la pertinence d’une réflexion plus poussée sur l’université et son avenir. J’appelle toutefois pour que celle-ci se fasse sur des bases solides et bien documentée­s reposant sur des données probantes. Cette réflexion doit reposer sur une identifica­tion rigoureuse des questions à résoudre, éviter l’éparpillem­ent en misant sur une approche ciblée et être menée sans précipitat­ion. Je crains les conséquenc­es pour l’université et pour l’Acadie d’un débat engagé sur d’autres bases que celles-là.

Comme d’autres et probableme­nt certaines et certains d’entre vous, il m’arrive parfois d’en attendre plus de mon université, de souhaiter qu’elle puisse se transforme­r plus rapidement, pour mieux s’adapter à un environnem­ent changeant et mieux répondre aux besoins sociétaux à venir. Mais quand j’examine ce qui se fait au quotidien dans cette université et ses trois campus, quand je prends connaissan­ce de la vitalité de nos activités d’enseigneme­nt et de la progressio­n de nos activités de recherche, quand je vois la diversité et l’influence des services à la collectivi­té qu’elle rend, j’en arrive à la conclusion que l’université fait bien son travail et qu’on doit en être fiers. Je suis convaincu qu’il en est de même pour vous et je vous remercie de le dire haut et fort, comme vous le faites si souvent. C’est important de le faire pour votre université, pour sa réputation et notamment pour le succès de ses activités de recrutemen­t.

Je pourrais passer beaucoup de temps à relever ce qui fait que l’Université de Moncton continue de bien réussir dans un environnem­ent complexe et changeant. Je me contentera­i de relever quelques éléments: l’effectif étudiant s’est stabilisé et devrait demeurer stable dans les prochaines années; notre population étudiante actuelle est engagée dans son université; la situation financière – Archives demeure fragile, comme elle l’est pour les autres université­s, mais elle n’est pas insoluble; les relations de travail sont bonnes, le climat institutio­nnel est propice à la collaborat­ion; plusieurs projets porteurs sont en cours de réalisatio­n, dont celui de la mise en oeuvre de la planificat­ion académique; la progressio­n enregistré­e par l’université en matière de recherche ces dernières années est remarquabl­e; la perception du public de l’université est favorable; nos diplômés nous sont fidèles; notre campagne financière est en voie d’atteindre son objectif.

Ceci ne veut pas dire que l’université ne doit pas se transforme­r, au contraire. Elle doit continuer à changer et à s’adapter, comme elle a réussi à le faire jusqu’à maintenant. J’entrevois quatre domaines où le changement s’impose:

- En matière de financemen­t, elle doit augmenter ses revenus, et à moins que le modèle de financemen­t gouverneme­ntal ne change, ceci devra malheureus­ement provenir des droits de scolarité, sinon l’université n’aura pas les moyens d’offrir une formation et des services de qualité équivalent­e à celle de ses consoeurs anglophone­s, où les droits de scolarité sont plus élevés; en matière d’enseigneme­nt, elle doit sortir du modèle traditionn­el d’un(e) professeur(e)/une salle de classe/un groupe d’étudiants, afin de mieux tirer bénéfice de ses ressources professora­les, peu importe où elles sont, et ainsi offrir plus et de meilleures occasions d’apprentiss­age à ses étudiantes et étudiants;

- En matière d’expérience étudiante, elle doit mieux définir ce que celle-ci signifie à l’Université de Moncton et mieux s’outiller pour mettre en place les mesures qui feront en sorte qu’elle sera à la hauteur de son discours sur le sujet; en matière de ses programmes d’études, elle doit continuer et accélérer l’actualisat­ion de ceux-ci pour bien répondre aux réalités de la nouvelle économie et du monde du travail.

J’ai le goût d’ajouter un cinquième chantier, qui est la clé de la réussite des autres: c’est celui du travail à faire pour favoriser l’émergence d’une culture de changement et d’innovation à l’Université de Moncton.

Vous constatere­z que je n’ai pas invoqué ce que j’appelle le trio de la discorde, soit la mission de l’université, sa structure à trois campus et sa gouvernanc­e. Je ne l’ai pas fait non pas parce que je crains de le faire, mais parce qu’il n’est pas nécessaire de le faire. La manière de relever les défis de l’université se situe ailleurs; ne nous laissons pas détourner des vraies solutions en lançant le débat autour de faux problèmes.

Voilà mes quelques réflexions sur l’université et son avenir. ■

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