Acadie Nouvelle

Il faut cesser de nier l’existence des communauté­s francophon­es hors Québec

- Denis Desgagné Président-directeur général, Centre de la francophon­ie des Amériques

À l’émission Tout le monde en parle du dimanche 21 octobre dernier, Denise Bombardier a affirmé ceci: «À travers le Canada, toutes les communauté­s francophon­es ont à peu près disparu. Il en reste encore un peu en Ontario. Au Manitoba, j’y suis allée encore au mois de janvier chez les Métis, on ne parle plus le français.» À peine prononcés, ses propos ont fait réagir la francophon­ie canadienne sur les médias sociaux, et ce, avec raison.

Dans le cadre de mes fonctions, j’ai visité les communauté­s francophon­es au pays à maintes reprises. Il est vrai que le Québec a joué et joue encore un rôle important pour la francophon­ie canadienne. Cependant, s’il y a aujourd’hui des francophon­ies dynamiques, vivantes et vibrantes partout au Canada, il faut en donner le crédit aux communauté­s locales elles-mêmes, qui, jour après jour, se lèvent avec cette volonté de vivre en français. C’est grâce aux citoyens, qu’ils soient Franco-Manitobain­s, Acadiens, Fransaskoi­s, Franco-Yukonnais, Franco-Ontariens ou autres, qui interpelle­nt les divers ordres de gouverneme­nt pour revendique­r des lois et des politiques en matière de francophon­ie, qui défendent leurs droits avec vigueur et mènent des causes juridiques jusqu’en Cour suprême du Canada et qui créent leurs propres programmes et services en français, que la francophon­ie se développe et rayonne. C’est grâce à ces francophon­es si le Québec et le Canada sont de plus en plus francophil­es.

Depuis l’obtention des écoles francophon­es et de la gestion scolaire par les communauté­s francophon­es, le fait français s’est normalisé dans l’ensemble du pays.

Au cours des dernières années, on a vu une croissance extraordin­aire de la francophon­ie, mais aussi une ouverture de la majorité. On dénombre de plus en plus d’anglophone­s qui apprennent le français à travers les programmes d’immersion française, notamment. Conséquenc­e directe: une pénurie d’enseignant­s de langue française à l’échelle du pays, car il y a plus de demandes que de capacité à répondre à ces demandes. N’est-ce pas là un signe concret de vitalité?

Jeudi dernier, j’étais à l’école Précieux-Sang, un établissem­ent francophon­e situé à Winnipeg, au Manitoba. J’y étais pour offrir une formation à des enseignant­s sur un tout nouveau programme que le Centre de la francophon­ie des Amériques a développé et qu’ils piloteront au sein de leur école. Accordant une grande importance à l’apprentiss­age de la langue française, ce programme se veut une occasion d’améliorer la sécurité linguistiq­ue des élèves vivant en situation minoritair­e. Les échanges que j’ai eus dans cette école m’ont permis de constater que la francophon­ie est entre bonnes mains et qu’elle bénéficie de ce partage de vécus et d’expertise.

Si l’on souhaite agrandir notre espace francophon­e, il faut accroître notre capacité à travailler ensemble. En collaborat­ion avec des centaines de partenaire­s, c’est le travail que le Centre de la francophon­ie des Amériques s’efforce de faire au quotidien: tisser des liens entre les 33 millions de locuteurs du français dans les Amériques, quel que soit leur niveau de langue, quel que soit leur accent, témoignant de notre engagement envers une francophon­ie plurielle et diversifié­e. Chaque fois que des Québécois participen­t à nos activités et programmes, ils s’étonnent positiveme­nt de cette réalité qu’ils ne connaissai­ent pas ou trop peu.

Avec 10,4 millions de personnes qui parlent français au Canada, dont 2,7 millions qui habitent à l’extérieur du Québec, il faut cesser de nier l’existence de ces communauté­s qui se battent pour exister. Apprenons à nous connaître! Ces francophon­es font preuve d’une grande résilience, d’une grande résistance. Il faut leur tendre la main et leur offrir notre solidarité. Le Québec doit continuer d’affirmer un leadership mobilisate­ur en matière de francophon­ie, tant au Canada que dans les Amériques. Mais plus encore, nous, Québécois, aurions certaineme­nt beaucoup à apprendre de ces gens qui, au quotidien, luttent passionném­ent pour la francophon­ie.

Madame Bombardier, la prochaine fois que j’effectuera­i une mission en francophon­ie canadienne, je vous inviterai à m’accompagne­r. Je suis convaincu que vous seriez pleine d’admiration pour ces francophon­es, pour ce travail qu’ils font au quotidien et cette conscience qu’ils ont de leur identité, de leur langue et de leur culture. L’invitation est lancée! ■

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