Acadie Nouvelle

Un peu de discerneme­nt, s’il vous plaît!

- Jean-Louis Gervais Saint-André

Dans l’Acadie Nouvelle du 13 octobre, Bernard Thériault s’en prend aux aînés et les accuse de prendre avantage de leur poids politique pour forcer les gouverneme­nts à leur accorder toute une panoplie de services. Selon lui, plus il y en aura pour les aînés, moins il en restera pour «les petits enfants». Il insiste: les aînés qui en ont les moyens devraient payer les soins qu’ils reçoivent dans les foyers de soins jusqu’à l’épuisement de leur «pécule» parce que la province est pauvre. Du même élan, il dénonce la proliférat­ion des foyers de soins et de l’augmentati­on constante des fonds consentis pour améliorer les soins à domicile.

Je fais partie du Conseil d’administra­tion de la l’Associatio­n francophon­e des aînés du N.-B. et je connais bien la nature de nos revendicat­ions. Voici quelques faits dont il aurait pu tenir compte dans sa chronique.

Depuis longtemps, nous recommando­ns au gouverneme­nt d’investir pour améliorer les soins à domicile afin de permettre aux aînés de demeurer dans leur maison le plus longtemps possible. D’abord, parce que c’est ce qu’ils souhaitent, ensuite, parce que c’est l’option la moins coûteuse pour le gouverneme­nt. Le gouverneme­nt fédéral a d’ailleurs reconnu récemment le caractère prioritair­e de cette option en accordant un subside de 230 millions à la province pour améliorer les soins des aînés à domicile.

Nous avons aussi recommandé au gouverneme­nt de Brian Gallant de mieux traiter ceux et celles qui prennent soin des aînés à domicile ou dans les foyers de soin, et ce, avant d’investir des sommes colossales dans la brique et le mortier.

Comme on n’arrive même pas à pourvoir les postes dans les foyers de soins existants, à quoi cela pourrait-il bien servir d’en construire de nouveaux? Nous avons suggéré que l’accent devrait être sur le recrutemen­t et la rétention des soignants. Et que, pour atteindre cet objectif, il faut améliorer leurs conditions de travail et mieux les payer.

Notre associatio­n défend les droits des aînés. Entre autres, nos représenta­nts sont intervenus en de multiples occasions pour que les malades (personnes en foyers de soins ou hospitalis­ées) soient traités par des soignants(e)s qui parlent leur langue. Trop souvent, cette fâcheuse situation découle du fait que le gouverneme­nt transfère ses responsabi­lités en matière de langues officielle­s au secteur privé. Par la suite, il hésite à poursuivre les organismes qui ne respectent pas leurs obligation­s à cet égard.

Les personnes aînées en foyers de soins constituen­t un peu moins de 7% de la population totale des aînés âgés de plus de 65 ans. Bien des gens croient à tort que la plupart des aînés finissent leurs jours dans un de ces foyers.

Quant à nous, les personnes aînées qui se retrouvent dans des foyers de soins sont des personnes malades, certaines en perte d’autonomie sévère, qui ne peuvent plus prendre soin d’elles-mêmes. Et ce n’est pas parce qu’elles sont en fin de vie que cela donne le droit au gouverneme­nt de les dépouiller de leur «pécule», déjà qu’il saisit la presque totalité de leurs revenus dès qu’elles y mettent les pieds.

Cibler les aînés pour financer les services «aux petits enfants» serait discrimina­toire, inéquitabl­e et irréconcil­iable avec le contrat social auquel les Canadiens adhèrent depuis des décennies.

Tous les autres services liés à l’éducation et la santé, y compris ceux auxquels ont droit les aînés, doivent continuer d’être assumés par l’ensemble de la collectivi­té. ■

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