L’après-Gallant avec Gallant
Le premier ministre désigné Blaine Higgs n’a pas le temps de s’ennuyer ces jours-ci, alors qu’il doit se préparer pour son assermentation, nommer un conseil des ministres, établir ses priorités et rédiger un discours du Trône. Mais il n’est pas le seul à penser à l’avenir et à prendre des décisions importantes.
Le chef libéral Brian Gallant est en réflexion sur son avenir politique.
Or, la règle est implacable. Au NouveauBrunswick, les premiers ministres qui perdent le pouvoir démissionnent de leur poste de chef de parti. Mais ce n’est pas aussi simple dans le cas du premier ministre sortant, avons-nous écrit en éditorial… il y a déjà 12 ans.
Cela ne faisait évidemment pas référence à Brian Gallant mais plutôt à Bernard Lord, qui avait conduit son gouvernement progressiste-conservateur à la défaite électorale.
Bernard Lord et Brian Gallant ont d’ailleurs beaucoup plus en commun qu’on ne pourrait l’imaginer.
Les conservateurs de 2006 avaient perdu, mais leur défaite ne pouvait être qualifiée de déroute. Tout comme les libéraux de 2018, ils avaient recueilli plus de votes que leurs adversaires.
La faiblesse des tiers partis à l’époque avait par contre aidé le nouveau gouvernement Graham à obtenir une majorité (29 à 26).
À 40 ans, Bernard Lord était encore un jeunot, tout comme l’est Brian Gallant aujourd’hui (il a 36 ans). Nous avions écrit à propos de M. Lord qu’il avait encore beaucoup à donner au Nouveau-Brunswick, y compris «à titre de chef de l’opposition en prévision d’un match revanche contre les libéraux en 2010».
«Souhaitons qu’il veuille bien continuer à servir, peu importe sur quelle scène politique», avait conclu l’Acadie Nouvelle dans cet éditorial publié le 20 septembre 2006 .
M. Lord avait finalement choisi de tirer quand même sa révérence. Une décision qu’il a peut-être regrettée.
Il faut dire que les Néo-Brunswickois avaient alors l’habitude de réélire leurs gouvernements pour un deuxième ou un troisième mandat. C’était presque automatique. M. Lord ne se voyait pas sur les lignes de côté pendant toutes ces années.
Or, à peine quelques mois après l’annonce de sa démission, les problèmes des libéraux ont commencé.
Le budget du printemps 2007 s’est révélé impopulaire, avec notamment une hausse d’impôts et des compressions. Le déficit a explosé. Le projet d’autosuffisance s’est révélé comme étant un écran de fumée. L’économie s’est embourbée alors qu’au même moment, le gouvernement Graham s’est décidé à vendre Énergie NB à Hydro-Québec.
Si Bernard Lord avait décidé de rester en place, il aurait sans doute été élu premier ministre une troisième fois en 2010, à la place de son successeur David Alward, rapidement retombé dans l’oubli.
Cela nous ramène à Brian Gallant. Il a mené son parti à une défaite électorale. Tout comme M. Lord à l’époque, il est jeune, il a beaucoup à donner et il fait face à un gouvernement qui s’apprête à prendre une myriade de décisions controversées.
Pourquoi ne resterait-il pas en place afin de mener les siens lors de la prochaine campagne?
D’abord, parce que ce n’est pas si simple. Il y aura toujours des pressions à l’intérieur pour faire place à du sang neuf.
En décembre 2003, Bernard Richard avait levé le voile sur les discussions de coulisses qui entourent le leadership de toute formation politique qui aspire au pouvoir.
Shawn Graham venait d’être élu chef du parti. Rapidement, la garde rapprochée du nouveau chef avait fait comprendre à M. Richard, qui venait d’occuper le poste par intérim, que M. Graham ne pourrait pas prendre toute la place qui lui revenait tant que M. Richard serait à ses côtés.
C’est probablement ce qui risque de survenir dans le cas de Brian Gallant. Il va partir de lui-même… ou il va se faire pousser gentiment vers la porte.
Ce gaspillage de son potentiel est un peu dommage.
Lors de son discours de clôture à l’Assemblée législative, puis dans sa lettre ouverte publiée en page 13 de votre journal aujourd’hui, Brian Gallant a montré quel genre de premier ministre il aurait pu être… et pourrait devenir.
Il a - enfin! - reconnu ses erreurs, les occasions ratées et son échec à ne pas avoir su mieux aplanir les divisions linguistiques au Nouveau-Brunswick. En entendant et en lisant son mea culpa ainsi qu’en écoutant ses recommandations à l’endroit du prochain gouvernement, force est de constater que le Brian Gallant 2.0 serait un bien meilleur premier ministre que l’original.
S’il décide de revenir, il aura toutefois beaucoup de travail devant lui pour convaincre les sceptiques.
Après quatre ans d’un mandat où il avoue désormais lui-même qu’il aurait dû faire beaucoup mieux, M. Gallant devra nous offrir bien plus que des mots pour démontrer qu’il est encore l’homme de la situation pour les libéraux et pour le Nouveau-Brunswick à Fredericton.