Des survivants
Judith Steel se souvient qu’elle tenait la main de son père lorsqu’elle a senti quelqu’un d’autre lui prendre la main; ce geste l’a sauvée du train qui conduira le lendemain ses parents dans le camp de concentration nazi d’Auschwitz, où ils sont morts. C’est précisément ce cruel destin que ses parents espéraient éviter lorsqu’ils avaient embarqué sur le Saint-Louis en 1939.
Présente à Ottawa mercredi, Judith Steel a estimé que ces excuses «enlèveront de ses épaules une partie de cette lourdeur».Cela fait des mois que les excuses du gouvernement canadien sont soigneusement planifiées, mais la mort par balle de onze fidèles dans une synagogue de Pittsburgh, il y a près de deux semaines, donne une signification toute particulière au geste.
«Le drame du Saint-Louis était alimenté par l’intolérance et la haine, qui dressent à nouveau leur tête hideuse», a estimé une autre survivante, Eva Wiener, aujourd’hui âgée de 80 ans.
Le premier ministre a d’ailleurs évoqué l’attentat de Pittsburgh dans ses excuses mercredi: «Les récents attentats visant la communauté juive témoignent du travail qu’il nous reste à faire. Nous devons toujours nous dresser contre les attitudes xénophobes et antisémites et contre la haine sous toutes ses formes.» Les chiffres les plus récents de Statistique Canada révèlent qu’en 2016, c’est la communauté juive qui était la cible la plus fréquente des crimes haineux visant une religion. Steve McDonald, directeur des politiques au Centre consultatif des relations juives et israéliennes, espérait la semaine dernière que ces excuses ouvriraient un débat sur «ce que nous pouvons tous faire pour lutter contre l’antisémitisme – indépendamment de notre passé –, et en particulier sur ce que le gouvernement et les élus peuvent faire».
«L’antisémitisme vise directement les juifs, mais il ne concerne pas que les juifs et ce n’est pas un problème juif.»
L’histoire du Saint-Louis a suscité un regain d’intérêt l’année dernière lorsque des photos et des récits de victimes ont été diffusés sur les médias sociaux après la décision du président des États-Unis, Donald Trump, de fermer les portes à des immigrants et des réfugiés de certains pays. – La Presse canadienne