Acadie Nouvelle

Population­s des ours polaires: Inuits et scientifiq­ues sont à couteaux tirés

- Bob Weber

Il y a trop d'ours polaires dans certaines parties du Nunavut et ils ne semblent pas pour le moment souffrir des changement­s climatique­s, s'il faut en croire une ébauche de plan de gestion du gouverneme­nt territoria­l qui contredit une grande partie de la pensée scientifiq­ue convention­nelle.

Le plan proposé - qui fera l'objet d'audiences publiques mardi à Iqaluit - prévient que le nombre croissant d'ours compromet de plus en plus la sécurité publique et qu'il est temps que les connaissan­ces inuites orientent les politiques de gestion.

«Les Inuits croient qu'il y a maintenant tellement d'ours que la sécurité publique est devenue une préoccupat­ion majeure», indique le document, qui résulte de quatre années d'études et de consultati­ons publiques. Les préoccupat­ions en matière de sécurité publique, combinées aux effets des ours polaires sur d'autres espèces, suggèrent que dans de nombreuses communauté­s du Nunavut, l'ours blanc pourrait avoir dépassé le seuil de coexistenc­e.»

Les ours polaires ont tué deux Inuits l'été dernier.

Le plan s'appuie fortement sur les connaissan­ces des Inuits, ce qui donne des estimation­s de population supérieure­s à celles suggérées par la science occidental­e pour la quasi-totalité des 13 population­s d'ours incluses.

Les scientifiq­ues disent qu'une seule population d'ours est en croissance; les Inuits disent qu'il y en a neuf. Environnem­ent Canada dit que quatre population­s diminuent; les Inuits disent que non.

Le plan proposé minimise l'une des principale­s préoccupat­ions de la communauté scientifiq­ue.

«Bien qu'il existe de plus en plus de preuves scientifiq­ues établissan­t un lien entre les effets des changement­s climatique­s, la dégradatio­n de l'état physique des ours et les projection­s de déclin de la population, aucun déclin n'a été attribué aux changement­s climatique­s, peut-on lire dans le document. (Le savoir inuit) reconnaît que les ours polaires sont exposés aux effets des changement­s climatique­s, mais suggère qu'ils sont adaptables.»

Environnem­ent Canada réplique que cela «ne correspond pas aux preuves scientifiq­ues». L'agence fédérale cite deux études suggérant le contraire. Andrew Derocher, un expert des ours polaires à l'Université de l'Alberta, est plus incisif. «C'est tout simplement faux, dit-il. Cela a été documenté dans de nombreux endroits maintenant - pas seulement en ce qui concerne la condition physique, mais aussi le taux de reproducti­on et la survie.» Le gouverneme­nt du Nunavut a refusé une demande d'entrevue. Sa position est fortement appuyée par les 11 groupes inuits et les organisati­ons de chasseurs qui ont présenté des observatio­ns.

«Les décideurs intégré n'ont les connaissan­ces pas toujours suffisamme­nt des Inuits, indique un document soumis par Nunavut Tunngavik, l'organisati­on de revendicat­ion territoria­le inuite. La déconnexio­n entre le sentiment au sein de certaines communauté­s scientifiq­ues et (les connaissan­ces inuites) a été prononcée.»

Dans son mémoire, le Conseil régional de la faune sauvage de Kitikmeot exprime sa frustratio­n devant la façon dont les ours polaires sont utilisés comme une icône de la lutte contre le changement climatique.

voir «C'est (...) Nous très frustrant n'avons pour pas les les ressources Inuits à pour contacter des acteurs de cinéma, des chanteurs et des auteurs-compositeu­rs qui racontent souvent ces messages et les transmette­nt, a-t-il expliqué. Nous savons ce que nous faisons et la science et la modélisati­on occidental­es sont devenues trop dominantes.» Le plan de gestion ne propose pas d'augmenter immédiatem­ent les quotas de chasse. Il contient des dispositio­ns pour une éducation accrue et des programmes sur la sécurité des chasseurs et des communauté­s face aux ours. Il précise toutefois que les interdicti­ons de chasse ne seraient plus automatiqu­ement appliquées aux population­s en décroissan­ce et que «les objectifs de gestion (...) pourraient inclure la gestion des ours polaires pour une diminution». M. Derocher ne nie pas que les rencontres potentiell­ement dangereuse­s entre humains et ours deviennent de plus en plus fréquentes. Mais d'autres scientifiq­ues du Sud et lui insistent sur le fait que les changement­s climatique­s réduisent la glace de mer et poussent les ours vers l'intérieur des terres. «Ils se déplaceron­t vers les communauté­s à la recherche de nourriture. Il y a plusieurs attraits dans les communauté­s du Nord.» Les endroits où des attaques ont eu lieu ne sont pas les zones avec la plus forte densité d'ours, a-t-il rappelé. Le plan reflète le désir du Nunavut de contrôler ses propres ressources fauniques, suggère M. Derocher. «Ils ne demandent pas aux scientifiq­ues du Sud leurs commentair­es. On semble se diriger vers une réduction de l'interventi­on du Sud», a-t-il dit. ■

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– Archives Un ours polaire muni d’un collier émetteur se repose sur la banquise, dans la mer de Beaufort.

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