Pour des économies dérisoires
La décision du nouveau gouvernement ontarien de sabrer dans certains services vitaux aux Franco-Ontariens en a surpris plusieurs.
En tant que Franco-Canadien, cette décision mal avisée et non suffisamment justifiée sur la place publique vient me chercher dans les tripes. Ma réaction est viscérale, car ce n’est pas seulement des services ou des institutions phares de la dualité linguistique qui sont visées. On s’en est pris à des personnes brillantes que j’affectionne et que je connais.
Dyane Adam était ma patronne et François Boileau mon collègue. Ce sont des personnes d’exception qui sont aussi mes amis. L’une était ma reine, l’autre mon compagnon d’armes, car nous avons jadis travaillé ensemble de longues années au Commissariat aux langues officielles du Canada. Vous m’excuserez que je ne puisse demeurer analytique devant un tel affront aux principes de la dualité linguistique et aux valeurs constitutives de ce pays.
Comment je me sens? La décision du gouvernement est aliénante. Elle s’en prend aussi personnellement à l’une et l’autre qui ont été à l’avant-scène de la francophonie canadienne. Dyane et François se sont battus pour l’Ontario français et la francophonie canadienne au sacrifice de leurs vies personnelles.
Pour des économies dérisoires, le gouvernement vient de détruire le château de ma reine: une université pour et par les Franco-Ontariens. Bien qu’il en sortira revigoré, j’ai eu l’impression que mon compagnon d’armes fut blessé au combat, car on lui tire dessus.
Dyane et François possèdent des qualités exceptionnelles qui les ont propulsés à la tête de deux institutions fondamentales du pays. N’oublions pas que les commissariats jouent un rôle d’Ombudsman pour défendre les minorités et les opprimés. Ce ne sont pas des programmes linguistiques comme les autres. Ce sont des piliers de la dualité linguistique.
La francophonie ontarienne se relèvera. Elle fait partie de la grande famille francocanadienne. Les francophones qui vivent en contexte minoritaire n’ont pas l’habitude d’être insouciants à l’égard des droits linguistiques. Cet élan de solidarité francophone, qui s’amorce d’un bout à l’autre du pays, va continuer de faire des vagues. Il servira d’avertissement à ceux qui veulent s’en prendre aux droits fondamentaux pour des économies de bouts de chandelle.
Et d’autres voix s’élèvent au Québec parmi la classe politique. Les Québécois sont aussi outrés par la décision cavalière du gouvernement ontarien et veulent des explications. Les élus de toutes les formations politiques se sont portés à la défense des Franco-Ontariens.
Le leadership de la communauté anglophone du Québec a aussi dénoncé, dès la première heure, ces coupures à l’aveugle qui minent les droits linguistiques. L’équipe éditoriale du Montreal Gazette a pris une position claire, solidaire et fermement en appui aux francophones de l’Ontario.
L’Ontario français vient d’essuyer un revers politique. La blessure est profonde, mais non fatale. La francophonie canadienne a l’habitude de se relever et elle va continuer de se défendre. Si la majorité s’obstine à nier la place vitale qu’occupent les francophones de ce pays, les communautés ne vont pas cesser d’exister pour autant. La vie continue. Les organismes de défense des francophones vont poursuivre leur oeuvre comme ils l’ont toujours fait.
Les Franco-Ontariens se mobilisent et auront probablement gain de cause devant les tribunaux, si l’on se fie à la cause Montfort. Mais pourquoi la majorité nous oblige-t-elle à perpétuellement nous battre pour des droits linguistiques pourtant si essentiels? ■