DES MILLIERS DE SAUMONS MENACÉS
Deux cent cinquante saumons de l’Atlantique d’une écloserie de Miramichi ont dû être détruits en raison du refus du gouvernement fédéral à autoriser leur relâchement dans la rivière Miramichi. Le même sort sera réservé à 2000 autres poissons si Ottawa maintient le cap en 2019.
L’organisme Collaboration for Atlantic Salmon Tomorrow (CAST) travaille depuis des années en vue de renforcer les stocks de saumon des rivières du Nouveau-Brunswick.
En 2015, il a lancé un programme visant à donner un coup de pouce au stock de la rivière Miramichi. Son équipe a capturé des milliers de jeunes saumons âgés de 3 ans nageant dans la rivière vers l’océan. Elle les a transportés dans une écloserie afin de les élever à l’abri des prédateurs et des phénomènes météorologiques.
Après avoir atteint la maturité sexuelle, deux ans plus tard, ils devaient être relâchés à l’entrée de la rivière. Une fois dans le cours d’eau, ils devaient nager à leur frayère afin de pondre leurs oeufs.
Le projet s’est cependant heurté à un mur à l’automne 2017, au moment où première cohorte devait être relâchée. Citant un manque de données scientifiques et la désapprobation des Premières Nations de la région, le ministère des Pêches et des Océans a refusé d’accorder les permis nécessaires.
Les employés de CAST ont continué leurs travaux en espérant que la situation serait réglée pour la saison de fraie de 2018. Le mois dernier, le MPO a encore une fois refusé d’autoriser le relâchement des poissons.
L’écloserie, qui a fait l’objet d’une rénovation de 2 millions $ et dont l’opération coûte environ 500 000 $ par an, est pleine à craquer.
«Au lieu d’avoir 250 gros saumons - de 12 à 18 livres -, l’an prochain nous allons en avoir 2000», explique Mark Hambrook, président de l’Association du saumon de Miramichi.
Des milliers de poissons ont frayé dans l’écloserie. Les employés de CAST souhaitent relâcher les alevins dans la rivière Miramichi l’été prochain.
Ce projet est cependant beaucoup plus compliqué que l’idée originale. En temps normal, CAST aurait relâché les poissons matures à l’entrée de la rivière, qui auraient pondu leurs oeufs naturellement. Comme ce ne sera pas possible, des centaines de bénévoles seront donc nécessaires pour relâcher les alevins aux bons endroits.
Ce plan de secours dépend aussi de l’approbation du MPO.
CAST affirme avoir reçu environ 5,4 millions $ en financement de sources gouvernementales et non gouvernementales. Les dons comprennent 2,3 millions $ de sources privées, 1,3 million $ de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA), 500 000 $ du MPO et 1,3 million $ de la province du Nouveau-Brunswick.
L’organisme a plusieurs partenaires du secteur privé - dont Cooke Aquaculture et J.D. Irving - ainsi que des partenaires académiques, comme l’Université du Nouveau-Brunswick.
M. Hambrook assure que des projets comme le sien ont connu du succès ailleurs. Un groupe de l’État américain de l’Idaho réussit notamment à améliorer son stock de saumon argenté dans la rivière Snake depuis une vingtaine d’années.
Au total, l’écloserie de CAST à Miramichi compte près de 10 000 saumons. Leur avenir demeure incertain.
Selon CAST, le MPO a approuvé son projet dès le départ, en mai 2015.
SOUTIEN DES PREMIÈRES NATIONS
Le MPO a décidé de ne pas autoriser le relâchement des saumons de CAST dans la rivière Miramichi, en octobre, parce qu’il juge que les risques sont trop élevés comparativement aux bienfaits potentiels.
Vance Chow, porte-parole du MPO, ajoute qu’il y a un «manque de soutien de la part des collectivités autochtones locales».
M. Hambrook reconnaît que son équipe doit travailler afin de construire des liens avec les Premières Nations.
«Ce que nous entendons est que le plus grand blocage est l’approbation des Premières Nations. Nous devons travailler sur la question et nous reconnaissons que ça va prendre du temps. Je ne m’attends pas qu’ils croient simplement ce que je leur dis: nous allons devoir leur offrir des preuves concrètes. Ça pourrait prendre une autre année ou deux.»
Les montaisons de saumons dans la rivière Miramichi sont bas depuis 2012, comparativement aux niveaux historiques. La baisse coïncide avec une explosion du stock du bar rayé, espèce qui était à risque dans le golfe du Saint-Laurent à la fin des années 1990. ■