Acadie Nouvelle

ÊTRE PARENT D’UN ENFANT TRANSGENRE

- Guillaume.cyr@acadienouv­elle.com

Comment réagir quand on découvre que son enfant est transgenre? Deux mères et un père ont accepté de nous partager leur perspectiv­e sur la question.

Christel Blanchard, de Caraquet, a annoncé à ses parents qu’elle n’était pas une femme, mais bien un homme. Alors âgée de 20 ans, elle est devenue Jozeph-Félix. Et l’amour des parents est resté irrévocabl­e, malgré le changement.

Renée Blanchard et Ghislain Loiselle ont appris la nouvelle, il y a maintenant six ans. Leur enfant chéri avait «tellement peur de se faire rejeter» que sortir du placard n’a pas été une mince tâche.

«Ma fille, devenue un homme, et moi pleurions lorsqu’elle m’a annoncé la nouvelle, mais c’était libérateur. Je m’en doutais depuis un bon moment, mais l’entendre de sa voix m’a fait le plus grand bien», raconte la mère de Jozeph-Félix.

Une réponse parentale positive est primordial­e pour l’enfant qui fait son «coming out». Lorsque le nouvel homme a pris la décision de parler de son identité, un cocktail d’émotions s’est présenté chez les parents.

«On a toujours été ouverts d’esprit. On ne va jamais le rejeter. J’aime mieux l’avoir à mes côtés que d’apprendre qu’il est décédé. Par chance, nos deux familles sont tout aussi ouvertes d’esprit», raconte Mme Blanchard.

Elle et son mari se sont alors avancés dans des sentiers pas du tout battus. Ils n’avaient à ce moment aucune ressource à leur dispositio­n pour les guider.

Des groupes d’entraide auraient été bien utiles, s’ils y en avaient eu à l’époque dans la région, soulignent-il.

«On n’avait pas accès aux ressources, ou on ne les connaissai­t pas. On a surmonté ça entre nous. C’est bien de voir qu’il y a des initiative­s qui se mettent en place (aujourd’hui)», observe Mme Blanchard.

FAIRE SON DEUIL

À l’annonce de Jozeph-Félix, les parents ont ressenti de la peur, du stress et même un sentiment s’approchant du deuil. Ils expliquent en effet avoir fait une croix sur certains éléments, comme devenir grands-parents.

«C’est comme si j’avais une fille pendant 20 ans, et qu’à partir de maintenant, j’avais un gars. Je l’aime plus que tout mon enfant, mais ma fille est décédée. C’est loin d’être négatif. J’ai maintenant un garçon que j’aime tout autant», raconte la mère.

Le père avoue sans difficulté qu’il lui a été difficile d’oublier «sa petite fille». D’un autre côté, il ferait maintenant tout pour son homme.

M. Loiselle a été le premier à défendre son fiston contre les attaques personnell­es qui ont fusé. Les perception­s ont évolué, mais la société n’a pas encore accepté les transgenre­s, selon lui. Il y a du progrès à faire de ce côté.

«Dans le passé, on voyait ça comme un cancer. Ç’a un peu évolué, mais les gens ne sont pas encore rendus là», déplore-t-il.

L’humour a été pour la famille un puissant remède. Il tisse encore plus fort les liens de la petite famille de Caraquet. La victoire de l’humour pourrait-on dire.

«Encore aujourd’hui, je m’échappe en disant «elle», au lieu de «il» (en parlant de son enfant). Mais il sait que ce n’est pas méchant. Il comprend très bien. L’important n’est de ne pas faire des remarques désobligea­ntes», explique la mère, le sourire accroché aux lèvres.

«Je n’aurais jamais pu faire faire une sortie pareille il y a six ans. Mais je crois qu’aujourd’hui, il est important d’en parler», ajoutet-elle en montrant la dernière photo de sa fille prise avant qu’elle se présente en homme à son bal de graduation. ■

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 ??  ?? Les parents, Ghislain Loiselle et Renée Blanchard, avec leurs deux enfants.- Acadie Nouvelle: Gracieuset­é
Les parents, Ghislain Loiselle et Renée Blanchard, avec leurs deux enfants.- Acadie Nouvelle: Gracieuset­é
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