Infirmières praticiennes: les couteaux suisses du sytème
Quinze ans après leur arrivée dans le système de santé néo-brunswickois, les «super infirmières» ont su prouver leur utilité et faire reconnaître leur travail. Pourtant, leur potentiel reste encore sous-utilisé.
Les infirmières praticiennes (IP) sont aujourd’hui les couteaux suisses du système de santé et elles mènent une petite révolution dans la manière de concevoir les soins.
Elles sont aussi bien formées pour diagnostiquer et traiter les problèmes de santé aigus que l’on rencontre couramment, que pour gérer les maladies chroniques, référer leurs patients à d’autres professionnels de la santé ou prescrire des analyses diagnostiques, des médicaments et d’autres traitements.
En décembre 2016, la province a décidé de donner à celles que l’on surnomme les «super infirmières» l’autorité d’admettre des patients au sein du programme extramural.
Au cours de sa carrière, Sonia Bourgeois, infirmière praticienne installée à Cocagne, a dû composer plus d’une fois avec des médecins réfractaires à l’idée de lui référer des patients. Les choses ont évolué depuis.
«Je remarque qu’on est plus accepté qu’avant, j’ai vu beaucoup d’améliorations de ce côté-là», assure-t-elle.
Selon Sonia Bourgeois, le public semble également mieux en comprendre leur rôle. Malgré tout, ces professionnelles de la santé tardent encore à trouver leur place dans le système de santé.
TROP PEU DE POSTES DISPONIBLES
Sur les 120 infirmières praticiennes enregistrées dans la province, une quinzaine occupent actuellement un poste de simple infirmière, faute d’avoir trouvé un emploi à la hauteur de leurs qualifications.
Céline Michaud est l’une des cinq étudiantes de l’Université de Moncton qui obtiendront bientôt leur diplôme d’infirmière praticienne. Mais l’absence de postes disponibles l’inquiète.
«Pour l’instant, on n’a rien en vue. Il n’y en a qu’une qui aura peut-être une opportunité d’emploi», soupire-t-elle.
Les finissantes ont deux ans pour effectuer 600 heures de travail. Si elles ne parviennent pas à accumuler cette expérience, leur accréditation leur sera retirée. En 2014 et en 2015, sept infirmières praticiennes ont perdu leur titre pour cette raison.
«On devrait s’assurer que tous les professionnels de la santé aient des emplois avant de chercher à recruter dans d’autres provinces», estime Céline Michaud.
«Beaucoup d’étudiantes seraient intéressées, mais elles n’osent pas faire leur maîtrise d’infirmières praticiennes parce qu’elles ont peur de ne pas trouver d’emploi.»
Laura Gould, présidente du groupe Infirmières praticiennes NB, a vu plusieurs de ses collègues s’exiler dans d’autres provinces pour pouvoir continuer à pratiquer.
«Ça ne fait pas de sens alors que plus de 2000 personnes n’ont pas accès à des soins de santé primaires au NouveauBrunswick, lance-t-elle. On ne veut pas perdre nos infirmières, surtout que les besoins sont grands, en particulier dans les communautés rurales.»
UN REMÈDE AU MANQUE D’ACCESSIBILITÉ DES SOINS?
L’Association des infirmières et infirmiers du Nouveau-Brunswick (AIINB) demande depuis longtemps au gouvernement de faire une plus grande place aux infirmières praticiennes.
Actuellement, la grande majorité des infirmières praticiennes sont employées par les deux réseaux de santé. Une poignée d’entre elles travaillent également pour des cliniques privées, des universités, et les Forces armées canadiennes.
Selon la présidente de l’AIINB, Karen Frenette, ces professionnelles de la santé pourraient intervenir dans les cliniques en milieu rural et auprès des foyers de soins.
«Nous voudrions les voir davantage basées dans la communauté, c’est le modèle dont on a besoin pour améliorer l’accès aux soins de santé primaire au NouveauBrunswick, explique-t-elle. Dans les foyers de soin par exemple, dès que le personnel se pose une question on envoie le résident à l’urgence par ambulance. Les IP pourraient aider à désencombrer les urgences et diminuer les temps d’attente.»
Contrairement aux médecins, les infirmières praticiennes qui choisissent de travailler de façon indépendante facturent leurs patients, leurs services ne sont pas couverts par l’assurance-maladie.
Cela constitue une barrière pour les IP qui souhaiteraient travailler pour une clinique privée, note Sonia Bourgeois.
«Si nos services étaient payés par l’Assurance-maladie, le médecin nous verrait moins comme une dépense. On pourrait s’occuper des problèmes de soins de santé chronique pendant que le médecin se focalise sur les soins plus aigus.»
Laura Gould et Karen Frenette espèrent obtenir rapidement une rencontre avec le nouveau gouvernement pour présenter leurs doléances.
Lors de la campagne électorale, le nouveau premier ministre Blaine Higgs s’est engagé à «élargir les possibilités s’offrant aux infirmières praticiennes et infirmiers praticiens au NouveauBrunswick». Il a également évoqué la possibilité de créer entre 25 et 30 postes supplémentaires. ■