161 LETTRES DE GÉRALD LEBLANC
En parcourant les 161 lettres de Gérald Leblanc envoyées à Joseph Olivier Roy, on découvre ses états d’âme, ses influences littéraires, sa passion pour la lecture, l’écriture et la culture, apportant ainsi un nouveau regard sur le parcours de l’écrivain décédé en 2005.
L'ouvrage Lettres à mon ami américain 1967-2003, préparé et annoté par le professeur de littérature Benoit Doyon-Gosselin, rassemble une grande partie de la correspondance de Gérald Leblanc. Ce sont 161 lettres qu'il a envoyées à Joseph Olivier Roy, un enseignant américain de descendance acadienne natif de Leominster, au Massachusetts. Mis en relation par un cousin lointain, les deux hommes ont commencé à s'écrire avant même de se connaître pour ensuite développer une réelle amitié. Pendant 36 ans, ils ont entretenu un échange de lettres de façon soutenue. Leur correspondance s'est terminée en 2003 avec le décès de Joseph Olivier Roy. Après avoir obtenu la permission de l'ayant droit du poète, le professeur de Moncton a eu accès à sa collection de textes et de lettres léguée à la Bibliothèque et Archives Canada. C'est ainsi qu'il a mis la main sur la correspondance entre les deux amis.
«Il a une énorme correspondance avec plein de gens, mais ce n'est pas autant que celle-là», a-t-il indiqué.
Benoit Doyon-Gosselin estime que l'intérêt des lettres est d'offrir un accès direct à la pensée de l'écrivain acadien. Écrites avec beaucoup de liberté, ses lettres révèlent ses façons de voir l'Acadie, son rapport à la langue, à l'écriture, à la musique et à la littérature. Dès la vingtaine, le poète autodidacte avait déjà lu plus de livres que bien des gens auront lus dans toute une vie. Il explique à son correspondant pourquoi il aime tel ou tel auteur. La littérature américaine et québécoise le passionne.
«Par ses lettres, on se rend compte qu'avant 1971, il était un souverainiste québécois et il pense que l'Acadie va être sauvée par le Québec.»
C'est en voyant la pièce de théâtre La Sagouine que sa vision sur l'avenir de l'Acadie change. Il en parle plusieurs fois dans ses lettres.
«Quand il a vu La Sagouine, il se rend compte que ce n'est pas le Québec qui va sauver les Acadiens. Ils ont des choses à faire ici et il se dit qu'il a un rôle à faire dans la culture. On peut écrire dans notre langue et créer quelque chose qui nous ressemble.»
LETTRES PERSONNELLES
Ses amours, la dépression, son passé familial assez trouble, ses doutes, ses relations, ses amitiés, ses voyages et l'art; bien des sujets sont abordés dans ses missives. À partir des années 1970, il commence à parler davantage du bouillonnement culturel en Acadie. C'est intéressant de retourner à cette époque d'effervescence à travers le regard et les mots d'une personne qui est en train de le vivre. Si l'oeuvre du poète compte une quinzaine de recueils et un roman (Moncton Mantra), sa correspondance est volumineuse, a fait savoir Benoit Doyon-Gosselin.
«Pour moi, Gérald Leblanc est un poète important. Mais je commence à croire que son oeuvre – à la limite – est presque moins importante que le rôle d'agent culturel qu'il a joué en Acadie, celui de faire découvrir des jeunes, de s'occuper de Perce-Neige et de faire de liens avec la musique», a expliqué le professeur et chercheur.
Le professeur a travaillé environ cinq ans à la préparation de cet ouvrage épistolaire. Les lettres permettent d'aller au-delà de l'image publique de l'écrivain et de comprendre davantage son parcours d'écrivain et sa quête personnelle. Selon le professeur, si le poète acadien n'avait pas voulu que ses lettres soient publiées, il aurait pu facilement les jeter à la poubelle, mais il a choisi de les vendre aux archives. La page couverture du livre de plus de 500 pages montre Gérald Leblanc et Joseph Olivier Roy, assis devant la célèbre librairie Shakespeare and Company à Paris, vers la fin de leur vie.
Benoit Doyon-Gosselin a deux autres projets dans sa mire en lien avec l'oeuvre de Gérald Leblanc, dont une édition critique de son roman Moncton Mantra. Il envisage aussi de rééditer son dernier recueil Poèmes newyorkais assorti d'une vingtaine de lettres envoyées à des amis créateurs pendant qu'il était à New-York. Le dernier ouvrage inédit de Gérald Leblanc, Poèmes new-yorkais, a été publié en 2006 à titre posthume. Le lancement du livre Lettres à mon ami américain 19672003, publié aux éditions Prise de parole, a lieu au Centre culturel Aberdeen mardi à compter de 18h. Benoit Doyon-Gosselin est professeur agrégé et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études acadiennes et milieux minoritaires de l'Université de Moncton. ■