Acadie Nouvelle

Sauver les Jeux

- François Gravel francois.gravel@acadienouv­elle.com

Le 7 avril 2016 a été un moment de grande fierté pour le Nouveau-Brunswick et l’Acadie.

Ce jour-là, la région de Moncton-Dieppe a été retenue en tant qu’hôtesse des Jeux de la Francophon­ie de 2021.

Éric Larocque, alors membre du comité de candidatur­e et aujourd’hui directeur général du comité organisate­ur, avait raconté dans nos pages comment une fonctionna­ire du ministère du Tourisme, du Patrimoine et de la Culture était sortie de la salle des juges avec les larmes aux yeux, après avoir appris que le Nouveau-Brunswick avait gagné son pari.

L’émotion s’était propagée aux autres membres de l’équipe, y compris M. Larocque: «J’ai éclaté en sanglots», avait-il témoigné.

Vingt mois plus tard, les larmes de bonheur ont laissé place à la colère. Le coût initial proposé était de 15 millions $. La facture a depuis explosé pour atteindre environ 130 millions $. Les Jeux coûteront huit fois plus cher que prévu.

Le comité organisate­ur n’a jamais vu venir la tempête. Il a même d’abord refusé de se justifier. Face à une controvers­e majeure qui menace l’organisati­on des Jeux et qui risque de soulever de nouvelles divisions linguistiq­ues dans la province, les dirigeants préféraien­t se terrer dans le silence.

C’était irresponsa­ble.

La moindre des choses quand on réclame 130 millions $ en fonds publics et en revenus de commandite­s et qu’on préside à un tel fiasco, c’est encore d’avoir le courage de s’expliquer publiqueme­nt et de préciser quelles sont les raisons qui expliquent cette spirale inflationn­iste. Surtout dans une province où toutes les excuses sont bonnes pour casser du sucre sur la minorité francophon­e.

Le comité s’est finalement mis en mode gestion de crise, lundi, et a rencontré la presse pour répondre aux questions.

Il est particuliè­rement stupéfiant de constater que les dirigeants ne semblent pas avoir beaucoup réfléchi à comment ils pourraient réduire l’ampleur de la facture. Ils ont été incapables de produire une réponse claire à savoir s’il est possible d’organiser des Jeux à 25 millions $.

La contrition ne faisait pas non plus partie de leur discours. Ils estiment avoir bien fait leur travail et blâment le gouverneme­nt Gallant pour avoir laissé miroiter une estimation initiale trop basse.

Le président du comité organisate­ur et bénévole de la première heure, Éric Mathieu Doucet, a soutenu que 130 millions $ représente­nt la somme nécessaire pour avoir «de bons Jeux» et qu’un budget plus élevé permet d’avoir de plus grandes retombées. Il a évoqué que des Jeux à moindres coûts signifient «moins de legs pour nos communauté­s».

On veut bien. Sauf que nous n’en sommes pas là. Il n’a jamais été question d’utiliser cet événement pour financer toutes les demandes des municipali­tés ou des institutio­ns qui souhaitent remettre à neuf un terrain de tennis ou une piste de course. Au contraire, la candidatur­e de Moncton-Dieppe nous a été vendue sur la base que la région dispose déjà de toutes les infrastruc­tures pour accueillir les athlètes et les compétitio­ns.

Tout laisse croire que le comité a été incapable de faire des choix, qu’il n’a pas su dire non aux demandes de financemen­t qui ont afflué.

Il faut trouver en priorité des solutions pour organiser l’événement à un coût abordable pour les contribuab­les.

La bonne nouvelle est que le gouverneme­nt fédéral a pris les choses en main. Il a embauché un expert indépendan­t afin d’évaluer le plan d’affaires du comité organisate­ur. Bref, il a fait le travail qui aurait dû être déjà accompli. Ses conclusion­s n’ont pas encore été rendues publiques.

Les Villes de Moncton et de Dieppe ont accepté de verser un total de 1,5 million $. Le gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick s’est engagé à injecter un maximum de 10 millions $. Le fédéral est prêt à éponger la moitié de la facture. En se basant sur les sommes promises par les autres paliers de gouverneme­nt, cela équivaut à quelque 11,5 millions $, un peu plus si les commandite­s du secteur privé sont au rendez-vous.

Cela nous amène à un budget d’un peu moins de 25 millions $. Si c’est impossible d’organiser des Jeux dans le Sud-Est avec une telle somme, qu’on nous le dise. Pas dans un communiqué de presse plein de généralité­s, mais en conférence de presse, avec un rapport, des chiffres et du concret.

Il faudra aussi faire la démonstrat­ion que chaque pierre a été retournée avant d’en arriver à une telle conclusion. Ces Jeux de la Francophon­ie sont trop importants pour le Nouveau-Brunswick pour qu’on les laisse bêtement tomber.

Ils auront un impact majeur sur la jeunesse acadienne. Ils seront une nouvelle preuve que le bilinguism­e officiel est bénéfique pour notre province et que les Acadiens sont capables de grandes choses dans un contexte minoritair­e francophon­e.

À condition, bien sûr, de repartir à zéro et de présenter un budget raisonnabl­e et responsabl­e. L’abcès est crevé. Il n’est pas trop tard pour réussir.

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