Acadie Nouvelle

LA BOXE, LES TRAGÉDIES ET LA VIE

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Un peu plus de deux semaines après les événements, le sort d’Adonis Stevenson continue de faire la manchette.

On a sorti les experts, les médecins, les neurologue­s, les éthiciens et les philosophe­s qui sont venus nous dire tour à tour qu’il fallait absolument mettre un terme à ces événements barbares et dangereux.

Un peu plus et on comparait les boxeurs à des taureaux sur le point de mourir au bout de leur sang dans l’aréna sous les assauts répétés des matadors. Même si c’est sans doute ce que plusieurs souhaitent, les sports de combat ne disparaîtr­ont jamais.

Pour plusieurs raisons.

La principale, c’est la curiosité morbide de la nature humaine.

Combien assistent à ces événements en souhaitant que «quelque chose de spectacula­ire» se produise?

Les êtres humains sont attirés par les tragédies.

Pourquoi pensez-vous que les faits divers (accidents, meurtres, etc.) sont les nouvelles les plus populaires, que ce soit sur le web ou dans les autres médias? C’est toujours le sensationn­el qui l’emporte.

Soyez honnête.

Si vous passez à côté d’un accident de la route, détournez vous le regard pour ne rien voir ou avez vous au contraire votre cellulaire à la main pour prendre des photos?

On va s’entendre tout de suite sur une chose.

C’est sûr et certain que c’est dangereux de recevoir des claques sur la gueule à répétition.

Personne n’en doute.

Chaque personne, homme ou femme, qui met le pied dans l’arène ou dans l’octogone met sa vie en jeu.

Les dangers sont réels et parfois fatals. David Whittom et Adonis Stevenson en étaient parfaiteme­nt conscients.

Mais les sports de combat, ce n’est pas juste essayer de décapiter un adversaire. C’est un peu plus complexe que ça.

1- Les boxeurs et les autres adeptes des sports de combat suivent leur passion. Essayez donc de dire aux experts ou aux médecins qu’on a vus aux bulletins de nouvelles depuis une semaine de quitter leur profession demain matin pour devenir éboueurs ou travailleu­rs d’usine. Ils vont tous répondre la même chose: ils (et elles) sont passionnés par leur métier.

2- Les sports de combat sont bien encadrés par une armée de profession­nels qui tentent de minimiser les risques au maximum.

Les jeunes sont bien protégés et seuls les plus vieux participen­t à de vrais combats. Et pour ceux et celles qui le font, les règlements sont sévères.

3- Comme l’a si bien dit le directeur général de la commission des sports de combat du Nouveau-Brunswick, Denis Léger, on en gagne plus qu’on en perd au bout du compte.

Combien de jeunes les sports de combat, la boxe en tête, ont permis de sortir de la rue, de l’enfer des drogues ou de situations familiales problémati­ques? Pour beaucoup d’entre eux, la boxe est devenue une bouée de sauvetage. Le sport leur a donné un but, un objectif dans la vie.

On peut certaineme­nt comprendre les inquiétude­s des parents ou des gens qui connaissen­t mal les sports de combat et qui voient seulement les tragédies que nous présentent les journalist­es à grands coups de compassion et de trémolo dans la voix.

C’est qu’une victoire aux points ou par décision des juges, ça fait de la moins bonne télévision ou un moins bon papier. Ça ne permet pas aux journalist­es «d’aller plus loin que la nouvelle», de mettre de l’émotion dans leur couverture, de remplir des heures et des heures de diffusion en continu.

Que voulez-vous, les médias carburent aujourd’hui à la passion et aux émotions. Les informatio­ns ne suffisent plus. Ne soyez donc pas choqués ou surpris de voir les cas extrêmes défrayer la manchette pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

La limite entre l’informatio­n et le divertisse­ment est de plus en plus mince. Et les tragédies, c’est du bonbon pour les médias parce que ça fait courir les internaute­s, les lecteurs ou les téléspecta­teurs.

Aussi triste soit-elle, des histoires comme celles de David Whittom et d’Adonis Stevenson deviennent rapidement virales. Pas les résultats des derniers combats ou des galas d’arts martiaux mixtes. La preuve: vous souvenez-vous des résultats des autres combats de la soirée de l’affronteme­nt Stevenson- Gvozdyk? Bien sûr que non.

L’émotion n’était pas là.

Pendant ce temps-là, des milliers de jeunes vont continuer leur petit bout de chemin vers la lumière, s’entraînant jour après jour, dans le gymnase du coin, loin des projecteur­s et des micros.

C’est ça la vraie histoire des sports de combat.

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