«C’est possible pour moins de 130 millions $»
Le gouvernement fédéral a identifié des compressions possibles dans le budget de 130 millions $ soumis par le comité organisateur des Jeux de la Francophonie 2021.
Au moment de soumettre sa candidature, en 2015, le Nouveau-Brunswick annonçait des coûts maîtrisés et un budget de 17 millions $. En mars 2018, le comité organisateur a finalement présenté un plan d’affaires de 130 millions $, presque huit fois supérieur aux prévisions initiales.
Depuis, un expert indépendant embauché par Ottawa a évalué ce plan. Son rapport a été remis aux gouvernements fédéral et provincial au mois de septembre, une semaine avant les élections néo-brunswickoises.
En entrevue avec l’Acadie Nouvelle, le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, révèle que ces analyses ont permis d’identifier plusieurs moyens de réaliser des économies.
«J’ai été mis au courant de certaines analyses qui indiquent peut-être que c’est possible pour moins de 130 millions $. Mais c’est encore des dizaines et des dizaines de millions de plus que le budget soumis par le Nouveau-Brunswick», affirme M. LeBlanc.
Le ministre n’a pas donné le montant exact de cette nouvelle facture. Il rappelle que la politique fédérale prévoit que la contribution d’Ottawa pour ce type d’événements internationaux ne dépasse pas la moitié des frais engagés.
«Ce n’est peut être pas sept ou huit fois 18 millions, mais si c’est cinq fois 18 millions, moi je suis pris avec la politique fédérale - dont tout le monde était au courant il y a deux ans - que c’est 50%. Ce n’est pas une surprise pour personne, que ce soit la province ou le comité organisateur. Si on peut les faire pour 90 millions $, moi j’irai chercher 45 millions $.»
Reste que le compte n’y est toujours pas. Mardi, le premier ministre Blaine Higgs a répété que la contribution provinciale ne dépassera pas les 10 millions $.
«Nous ne sommes pas dans une position dans laquelle nous pouvons nous permettre une telle dépense», dit-il.
Les villes hôtesses, Dieppe et Moncton, n’ont pas non plus l’intention de débourser plus que 750 000$ chacune, comme elles s’y sont engagées.
L’Acadie Nouvelle a tenté, sans succès, d’obtenir le rapport d’analyse du plan d’affaires du comité organisateur auprès de Patrimoine canadien. Le document ne sera pas rendu public «car il contient de l’information confidentielle», indique un porteparole du ministère.
TROIS HAUSSES DE COÛTS SUCCESSIVES
Mardi, des membres de l’ancien gouvernement ont révélé de nouveaux détails sur le travail mené dans ce dossier depuis 2015.
Le budget proposé dans le dossier de mise en candidature du NouveauBrunswick en juillet 2015 s’élevait à 17 514 300$. La province mettait alors de l’avant «un budget maîtrisé» et «une candidature financièrement saine».
L’ancienne ministre de la Francophonie, Francine Landry, précise que cette soumission se basait essentiellement sur le cadre financier de base imposé par les lignes directrices de l’Organisation internationale de la Francophonie.
«On s’est beaucoup basé sur les chiffres que nous donnait l’OIF, ils ont l’habitude d’organiser ce type de Jeux», dit-elle.
«C’était un chiffre qui nous semblait raisonnable parce que nos infrastructures sont adéquates et ne nécessitent que quelques améliorations.»
En décembre 2015, le gouvernement provincial a présenté une nouvelle estimation de 19 514 300$.
Les coûts d’hébergement sont passés de 1 million $ à 2 millions $ et les coûts pour la restauration ont été revus à la hausse, progressant de 1 million $ à 2 millions $.
Formé en avril 2017, un an après que la candidature de Moncton-Dieppe ait été retenue, le comité organisateur a été chargé d’élaborer un plan d’affaires.
Selon le précédent ministre du Trésor, Roger Melanson, ce comité a présenté à la province un premier plan en février 2018. Les coûts estimés s’élevaient alors 45 millions $.
«Dès que nous avons vu cela, nous avons dit que ce n’était pas acceptable», affirme M. Melanson.
«On s’attendait à ce que le budget détaillé respecte le budget initial.»
Pourtant, deux mois plus tard, le comité frappait à la porte du gouvernement avec une nouvelle facture, évaluée cette fois à 130 millions $.
«C’était inquiétant de voir les chiffres augmenter chaque fois qu’on demandait plus de détails sur le plan d’affaires», ajoute l’ancien ministre.
«Je pense que le comité a la responsabilité d’examiner des façons de réduire les coûts tout en maintenant des Jeux de qualité. Ils devront prendre ces mesures pour gagner en crédibilité alors que tout le monde questionne les chiffres proposés.»
Jusqu’à présent, le comité n’a pas dévoilé la liste complète des projets d’infrastructure proposés et refuse de rendre public son plan d’affaires. On ignore donc la ventilation détaillée des dépenses envisagées.
Dans le budget initial de la province, on ne prévoyait que 3 millions $ pour des «travaux d’aménagements temporaires» sur les sites sportifs et culturels.
Dans leur plan d’affaires, les organisateurs proposent désormais d’allouer 36 millions $ à des projets de réfection d’infrastructures. De cette somme, 18 millions $ sont qualifiés d’«investissements essentiels», qui comprennent la création de deux nouveaux terrains de soccer à Moncton et à Dieppe, ainsi qu’une mise à niveau des terrains de tennis du parc du Centenaire et de la piste d’athlétisme sur le campus de l’Université de Moncton.
On apprend également que les coûts liés à la sécurité, estimés à 1 million $ dans le budget initial, ont été évalués à 10 millions $ après que la GRC ait été consultée.
UNE PRÉPARATION DÉJÀ COÛTEUSE
Selon des chiffres obtenus par RadioCanada, le comité organisateur dispose d’un budget annuel de 1,7 million $ pour l’année 2018-2019 et a reçu 1,3 million $ pour 2017-2018, dont 900 000$ proviennent du gouvernement fédéral et 300 875$ de la province.
Il est important de noter que le N.-B. a déjà investi plus de 286 000$ dans le cadre de sa campagne pour obtenir les Jeux de la Francophonie.
Entre autres, la province a déboursé près de 60 000$ pour envoyer une délégation de huit personnes à Abidjan, en Côte d’Ivoire, lors de la rencontre du Comité d’orientation des Jeux.
De plus, le Nouveau-Brunswick a organisé deux repas pour un comité de juges lors d’une visite à Moncton et à Dieppe, au coût de 3000$ au restaurant St. James Gate à Dieppe et de 4300$ au Delta Beauséjour de Moncton. ■
Avec la collaboration des journalistes Mathieu Roy-Comeau et Jean-Marc Doiron