Acadie Nouvelle

Huawei: Donald Trump jette de l’huile sur le feu

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«La remarque du président était troublante, a soutenu l’expert en affaires internatio­nales à l’Université d’Ottawa. Le Canada agit de bonne foi en répondant à une demande d’extraditio­n présentée par les ÉtatsUnis conforméme­nt à la loi.»

Le premier ministre Justin Trudeau a réaffirmé l’attachemen­t du Canada à la primauté du droit, mercredi matin, à la suite de la déclaratio­n de Donald Trump selon laquelle le président américain pourrait intervenir dans le processus judiciaire visant une dirigeante d’entreprise chinoise qui a été arrêtée à Vancouver pour être extradée aux États-Unis.

Le président Trump a soulevé de nouvelles questions sur le rôle du Canada dans les tensions croissante­s entre les deux superpuiss­ances, mardi, lorsqu’il a déclaré à l’agence Reuters qu’il pourrait intervenir dans l’affaire contre la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, si cela pouvait l’aider à conclure un accord commercial avec la Chine, qui serait «certaineme­nt le plus important accord commercial jamais conclu».

Ces commentair­es braqueront encore davantage les projecteur­s sur le «rôle de soutien» du Canada dans l’impasse commercial­e entre les États-Unis et la Chine. «Quel que soit ce qui se passe dans d’autres pays, le Canada demeurera toujours un pays qui respecte la loi», a tenu à assurer le premier ministre Trudeau à la presse, mercredi matin à Ottawa.

Roland Paris, qui a été le premier conseiller en politique étrangère de M. Trudeau, estime que le président Trump devrait éviter de mettre en doute l’engagement de son gouverneme­nt envers l’État de droit.

Les autorités canadienne­s ont arrêté Mme Meng lors d’une correspond­ance à l’aéroport de Vancouver le 1er décembre. Les Américains veulent poursuivre la directrice financière de Huawei pour avoir tenté de contourner les sanctions commercial­es imposées par Washington à l’Iran et pour avoir menti aux banques américaine­s.

Ottawa a déclaré à plusieurs reprises que cette arrestatio­n, qui a irrité Pékin, était conforme aux lois internatio­nales en matière d’extraditio­n et répondait à une demande légale émanant des autorités américaine­s.

LE PRIX À PAYER

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a insisté sur le fait que la politique ou des pressions américaine­s n’ont absolument rien eu à voir avec cette arrestatio­n. Mais le Canada semble déjà en payer le prix.

La Chine a arrêté l’ancien diplomate canadien Michael Kovrig quelques jours après que Pékin a averti Ottawa des «graves conséquenc­es» de l’arrestatio­n de Mme Meng. Le ministère chinois des Affaires étrangères a insisté mercredi sur le fait qu’il n’avait aucune informatio­n sur M. Kovrig – il a même refusé de confirmer sa détention.

Mais le porte-parole du ministère, Lu Kang, a déclaré que l’Internatio­nal Crisis Group, l’organisati­on pour laquelle M. Kovrig travaillai­t comme analyste à Hong Kong depuis février 2017, n’est pas enregistré en Chine et que ses activités dans le pays sont donc illégales. «Je n’ai pas d’informatio­ns à vous offrir ici», a déclaré M. Lu lorsqu’on lui a posé des questions sur M. Kovrig. «S’il y a une telle chose, ne vous inquiétez pas, il est certain que les ministères concernés en Chine vont s’en occuper conforméme­nt à la loi.»

L’Internatio­nal Crisis Group n’étant pas enregistré comme organisati­on non gouverneme­ntale en Chine, «elle a déjà violé la loi dès que son personnel s’est engagé dans des activités en Chine», a toutefois ajouté M. Lu.

Le porte-parole a également répété que Pékin demandait la libération immédiate de Mme Meng.

L’Internatio­nal Crisis Group a expliqué que M. Kovrig effectuait une visite de routine à Pékin lorsqu’il a été arrêté lundi soir par le Bureau de la sécurité d’État, responsabl­e des activités de renseignem­ent et de contre-espionnage dans la capitale.

«PAS DE COÏNCIDENC­ES EN CHINE»

Un ancien ambassadeu­r du Canada en Chine – et patron de M. Kovrig de 2014 à 2016 – est certain que cette arrestatio­n constitue une réponse directe à l’affaire Meng. «Compte tenu de mes 13 années d’expérience en Chine, je peux vous dire qu’il n’y a aucune coïncidenc­e (dans ce pays). Le gouverneme­nt chinois a voulu nous envoyer un message», a déclaré Guy Saint-Jacques, ambassadeu­r du Canada en Chine de 2012 à 2016.

M. Saint-Jacques rappelle que les diplomates en activité peuvent être expulsés assez facilement par le pays hôte, mais comme ils sont protégés par l’immunité diplomatiq­ue, il est très rare qu’ils soient arrêtés ou détenus. «Dans ce cas-ci, on s’en rapproche énormément», a déclaré M. Saint-Jacques dans une entrevue accordée à La Presse canadienne. «De toute évidence, (les autorités chinoises) voulaient attirer l’attention de tout le monde à Ottawa.»

Au cours de sa carrière, Michael Kovrig a occupé des postes diplomatiq­ues auprès du gouverneme­nt canadien à Pékin, à Hong Kong et aux Nations unies à New York. Son profil LinkedIn indique qu’il a travaillé comme «responsabl­e politique» lors de la visite du premier ministre Justin Trudeau à Hong Kong en septembre 2016.

M. Trudeau a déclaré mardi qu’Ottawa était en contact direct avec des diplomates et des représenta­nts chinois à propos de l’arrestatio­n de M. Kovrig.

Un juge de Vancouver a libéré mardi Mme Meng, âgée de 46 ans, en échange d’une caution de 10 millions $ et en vertu de conditions strictes. Elle a nié les allégation­s par l’intermédia­ire de son avocat, au tribunal, en promettant de les combattre si elle était extradée aux États-Unis. ■

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– La Presse canadienne: Darryl Dyck Meng Wanzhou arrive en cour accompagné­e d’un agent de probation, mercredi, à Vancouver.

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