Acadie Nouvelle

VÉRIFIÉ: Les faits du discours de Donald Trump

- Calvin Woodward, Christophe­r Rugaber et Colleen Long

Lors de son discours sur l’état de l’Union mardi soir (photo), le président américain Donald Trump a mélangé statistiqu­es complexes et demie-vérités, saluant un «miracle économique», mettant en garde contre la traite de personnes et semblant croire que l’Afghanista­n se trouve au Moyen-Orient et non en Asie.

Voici un aperçu des déclaratio­ns de la soirée.

COMMERCE

M. TRUMP: «Notre nouvel accord entre les États-Unis, le Mexique et le Canada (...) remplacera l’ALÉNA et apportera des avantages aux travailleu­rs américains: ramener nos emplois dans l’industrie manufactur­ière, développer l’agricultur­e américaine, protéger la propriété intellectu­elle et faire en sorte que davantage de voitures soient frappées de ces quatre mots fantastiqu­es: FABRIQUÉ AUX ÉTATS-UNIS.»

LES FAITS: Il est peu probable que tout cela se produise, car le nouvel accord préserve en grande partie la structure et le contenu de l’ALÉNA. En outre, l’accord n’a pas été ratifié et les chances qu’il le soit par le Congrès sont incertaine­s.

Parmi les nouveautés, l’accord exige que 40% du contenu des voitures soit éventuelle­ment fabriqué dans des pays qui versent aux travailleu­rs de l’automobile au moins 16 dollars $US par heure, c’est-à-dire aux ÉtatsUnis ou au Canada, mais pas au Mexique. Le Mexique doit également réformer sa législatio­n du travail pour encourager les syndicats indépendan­ts à négocier des salaires plus élevés et de meilleures conditions de travail pour les Mexicains.

Cependant, juste avant la signature de l’accord, General Motors a annoncé le licencieme­nt de 14 000 travailleu­rs et la fermeture de cinq usines aux États-Unis et au Canada.

Philip Levy, chercheur principal au Conseil des affaires globales de Chicago et le responsabl­e du commerce à la Maison-Blanche du président républicai­n George W. Bush, a déclaré: «Le président Trump a sérieuseme­nt exagéré cet accord».

LES GUERRES AU MOYEN-ORIENT

M. TRUMP: «Nos braves troupes se battent au MoyenOrien­t depuis près de 19 ans.»

LES FAITS: M. Trump a exagéré la durée des guerres en Irak et en Afghanista­n. La guerre en Afghanista­n a débuté en octobre 2001, à la suite des attentats du 11 septembre. L’invasion de l’Irak a eu lieu en mars 2003. Les États-Unis sont en guerre depuis un peu plus de 17 ans.

En outre, il fait référence aux combats au Moyen-Orient. L’Irak est au Moyen-Orient, mais l’Afghanista­n est en Asie du Sud et en Asie centrale.

LE MUR LE LONG DE LA FRONTIÈRE

M. TRUMP: «(Les agents frontalier­s) vous diront que là où les murs se lèvent, les passages illégaux baissent... San Diego était le théâtre du plus grand nombre de passages frontalier­s illégaux dans notre pays. En réponse, un mur de sécurité solide a été mis en place. Cette barrière puissante a presque complèteme­nt mis fin aux passages illégaux… Simplement, les murs fonctionne­nt et les murs sauvent des vies.»

LES FAITS: C’est beaucoup plus compliqué que ça. Oui, les arrestatio­ns des patrouille­s frontalièr­es dans le secteur de San Diego ont chuté de 96%, passant de près de 630 000 en 1986 à à peine 26 000 en 2017, période au cours de laquelle des murs ont été construits. Mais la répression a poussé les passages illégaux vers les déserts moins surveillés et plus éloignés de l’Arizona, où des milliers de personnes sont mortes dans la chaleur. Les arrestatio­ns à Tucson en 2000 ont presque correspond­u au sommet de San Diego.

Les détracteur­s disent que «l’effet ballon d’eau» (construise­z un mur en un endroit et les migrants trouveront une ouverture ailleurs) sape l’argument de M. Trump, ce à quoi les partisans du projet répondent que cela ne fait démontrer que les murs devraient être prolongés. Le Government Accountabi­lity Office a rapporté en 2017 que les États-Unis n’avaient pas mis au point de mesures permettant de démontrer la contributi­on des barrières à la sécurité frontalièr­e.

TARIFS DOUANIERS

M. TRUMP: «Nous avons récemment imposé des droits de douane sur des marchandis­es chinoises d’une valeur de 250 milliards $US - et maintenant notre trésorerie reçoit des milliards de dollars.»

LES FAITS: C’est trompeur. Oui, l’argent des droits de douane va au Trésor fédéral, mais il provient en grande partie des entreprise­s et des consommate­urs américains. Ce ne sont pas les pays étrangers qui paient ces taxes à l’importatio­n en faisant un chèque au gouverneme­nt. Sa référence à l’argent entrant «maintenant» dans le Trésor dissimule le fait que les tarifs remontent à la fondation du pays. Ce revenu n’a pas commencé avec l’augmentati­on des droits de douane sur certaines marchandis­es en provenance de Chine.

Les tarifs ont généré des recettes fiscales de

41,3 milliards $US au cours du dernier exercice budgétaire, selon le départemen­t du Trésor. Mais il ne s’agit que d’une petite fraction d’un budget fédéral dépassant 4100 milliards $US.

Les tarifs payés par les entreprise­s américaine­s ont également tendance à entraîner des prix plus élevés pour les consommate­urs, comme ce fut le cas pour les machines à laver après que l’administra­tion Trump eut imposé des taxes à l’importatio­n.

TRAITE DE PERSONNE

M. TRUMP: «Les trafiquant­s d’êtres humains et les trafiquant­s du sexe profitent des vastes zones ouvertes entre nos ports d’entrée pour faire passer des milliers de jeunes filles et de femmes aux États-Unis, pour les vendre à la prostituti­on et en esclavage moderne.»

EN FAIT: Son administra­tion n’a pas fourni de preuve que des «milliers» de femmes et de jeunes filles passent en contreband­e dans des zones reculées de la frontière à ces fins. Ce qui a été établi, c’est que près de 80% des victimes internatio­nales de la traite passent par des points d’entrée légaux, flux qui ne serait pas stoppé par un mur frontalier.

M. Trump déforme la fréquence à laquelle les victimes de la traite de personne arrivent de la frontière sud, selon le Counter-Traffickin­g Data Collaborat­ive, qui regroupe les statistiqu­es de la traite fournies par des organisati­ons du monde entier.

La ligne téléphoniq­ue nationale contre la traite de personne, une entreprise financée par le gouverneme­nt fédéral et gérée par le groupe anti-traite Polaris, a commencé à recenser les victimes individuel­les en 2015. De janvier au 31 juin 2018, elle a dénombré 35 000 victimes potentiell­es. Parmi celles-ci, il y avait une répartitio­n presque égale entre les étrangers d’une part, les citoyens américains et les résidents permanents légaux de l’autre.

La plupart des victimes de trafic de main-d’oeuvre étaient étrangères et la plupart des victimes de trafic sexuel étaient des citoyennes américaine­s. Parmi les ressortiss­ants étrangers, le Mexique était le plus fréquemmen­t victime de la traite.

ÉCONOMIE

M. TRUMP: «En un peu plus de deux ans après les élections, nous avons lancé un boom économique sans précédent - un boom jamais vu auparavant. Il n’y a rien eu de tel. (...) Un miracle économique se produit aux ÉtatsUnis.»

LES FAITS: Le président exagère énormément ce qui a été une légère améliorati­on de la croissance et de l’embauche. L’économie est en bonne santé, mais loin d’être la meilleure de l’histoire américaine.

L’économie a connu une croissance annuelle de 3,8% au printemps et en été, un rythme soutenu. Mais ce n’était que le rythme le plus rapide des quatre dernières années. À la fin des années 1990, la croissance avait dépassé 4% pendant quatre années consécutiv­es, un niveau qu’elle n’a pas encore atteint avec M. Trump. Et la croissance a même atteint 7,2% en 1984.

Presque tous les économiste­s indépendan­ts s’attendent à un ralentisse­ment de la croissance cette année, alors que les réductions d’impôt de l’administra­tion Trump s’atténuent, que les tensions commercial­es et le ralentisse­ment de la croissance mondiale freinent les exportatio­ns et que les taux d’intérêt plus élevés rendent l’emprunt plus coûteux pour acheter des voitures et des habitation­s.

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