Acadie Nouvelle

Langues officielle­s: au-delà de la politique

- Robert Pichette Moncton

L’édition du samedi 20 avril rapporte les propos de Denis Landry, chef intérimair­e de l’opposition libérale à l’Assemblée législativ­e du Nouveau-Brunswick, à la suite de la célébratio­n du 50e anniversai­re de l’adoption de la loi sur les langues officielle­s, jeudi dernier à Fredericto­n. On ne peut qu’être d’accord avec lui lorsqu’il dit: «Il ne faut pas régresser. Il ne faut pas reculer. Il faut toujours aller de l’avant. Est-ce que nous sommes rendus assez loin 50 ans après? Je ne suis pas certain.» L’ex-ministre a raison, mais là où le bât blesse c’est lorsqu’il avance comme «preuve» «l’élection de trois députés de l’Alliance des gens et le passé de Blaine Higgs au sein du Confederat­ion of Regions Party». C’est de l’effronteri­e pure et simple quand on considère que le Parti libéral provincial a tant maltraité et même bafoué la loi sur les langues officielle­s pendant quatre longues années tissées de bêtises et de fiascos. Une attaque comme celle-ci contre le premier ministre Higgs frise l’indécence. Celui-ci s’est expliqué sur son passé. Il l’a fait publiqueme­nt; il continue de le faire. N’a-t-il pas le droit de changer d’opinion? Seuls les imbéciles ne changent pas d’opinion. Manifestem­ent, M. Landry oublie que Bernard Richard, aujourd’hui quasi canonisé de son vivant, avait été candidat du Parti acadien dans Shédiac en 1974. Il s’est ravisé, a rejoint le parti libéral et s’est fait élire et réélire sous cette étiquette en 1991. Il est devenu non seulement ministre titulaire d’importants portefeuil­les, il a également été chef intérimair­e du Parti libéral. Lui fera-t-on reproche d’avoir changé d’avis en 1991? Que non!

D’ici peu, Kevin Vickers va devenir officielle­ment chef du Parti libéral. Il arrive au poste sans traîner aucun bagage. Ce n’est pas un handicap; au contraire, c’est une aubaine. Il pourra faire le ménage qui s’impose dans un parti qui a oublié ses origines et ses traditions. Si j’osais me permettre un conseil, M. Vickers qui commence avec une ardoise vierge pourrait organiser un séminaire pour ses députés et candidats, dont le thème serait précisémen­t la loi sur les langues officielle­s. Ce serait l’occasion de remonter aux sources, d’étudier les textes fondateurs, de se faire expliquer les enjeux, les responsabi­lités, les buts par de vrais experts. Si le travail était bien fait, ce serait un nouveau départ pour le Parti libéral qui, manifestem­ent, en a un urgent besoin.

D’ici là, qu’on cesse d’empoisonne­r la société néo-brunswicko­ise par une partisaner­ie politique de bas étage. Dès le départ, Louis J. Robichaud et Richard Hatfield avaient solennelle­ment prévenu contre la perversion politique de cette loi. Elle n’est ni libérale, ni conservatr­ice, ni quoi que ce soit d’autre. Frank McKenna et Bernard Lord ont renchéri sur le même thème. Ils avaient raison. Dans son message officiel à l’occasion du 50e anniversai­re de la loi, le premier ministre Higgs dit: «Nous devons continuer à progresser vers l’égalité réelle entre les communauté­s linguistiq­ues officielle­s et, surtout, une meilleure compréhens­ion de l’importance de la loi». Cette phrase rend le son de la vérité. Il faut applaudir et faire confiance au premier ministre lorsqu’il ajoute être «convaincu que nous pouvons, ensemble, poursuivre le travail de rapprochem­ent des deux communauté­s afin de favoriser leur épanouisse­ment.» M. Higgs n’est pas un néophyte en politique; il sait qu’il sera jugé sur ses actes. Donnons sa chance au coureur sans le handicaper mesquineme­nt au départ. C’est l’avenir de notre province qui est en jeu. Cela vaut bien un peu de patience et beaucoup de réflexion.

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