Langues officielles: au-delà de la politique
L’édition du samedi 20 avril rapporte les propos de Denis Landry, chef intérimaire de l’opposition libérale à l’Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, à la suite de la célébration du 50e anniversaire de l’adoption de la loi sur les langues officielles, jeudi dernier à Fredericton. On ne peut qu’être d’accord avec lui lorsqu’il dit: «Il ne faut pas régresser. Il ne faut pas reculer. Il faut toujours aller de l’avant. Est-ce que nous sommes rendus assez loin 50 ans après? Je ne suis pas certain.» L’ex-ministre a raison, mais là où le bât blesse c’est lorsqu’il avance comme «preuve» «l’élection de trois députés de l’Alliance des gens et le passé de Blaine Higgs au sein du Confederation of Regions Party». C’est de l’effronterie pure et simple quand on considère que le Parti libéral provincial a tant maltraité et même bafoué la loi sur les langues officielles pendant quatre longues années tissées de bêtises et de fiascos. Une attaque comme celle-ci contre le premier ministre Higgs frise l’indécence. Celui-ci s’est expliqué sur son passé. Il l’a fait publiquement; il continue de le faire. N’a-t-il pas le droit de changer d’opinion? Seuls les imbéciles ne changent pas d’opinion. Manifestement, M. Landry oublie que Bernard Richard, aujourd’hui quasi canonisé de son vivant, avait été candidat du Parti acadien dans Shédiac en 1974. Il s’est ravisé, a rejoint le parti libéral et s’est fait élire et réélire sous cette étiquette en 1991. Il est devenu non seulement ministre titulaire d’importants portefeuilles, il a également été chef intérimaire du Parti libéral. Lui fera-t-on reproche d’avoir changé d’avis en 1991? Que non!
D’ici peu, Kevin Vickers va devenir officiellement chef du Parti libéral. Il arrive au poste sans traîner aucun bagage. Ce n’est pas un handicap; au contraire, c’est une aubaine. Il pourra faire le ménage qui s’impose dans un parti qui a oublié ses origines et ses traditions. Si j’osais me permettre un conseil, M. Vickers qui commence avec une ardoise vierge pourrait organiser un séminaire pour ses députés et candidats, dont le thème serait précisément la loi sur les langues officielles. Ce serait l’occasion de remonter aux sources, d’étudier les textes fondateurs, de se faire expliquer les enjeux, les responsabilités, les buts par de vrais experts. Si le travail était bien fait, ce serait un nouveau départ pour le Parti libéral qui, manifestement, en a un urgent besoin.
D’ici là, qu’on cesse d’empoisonner la société néo-brunswickoise par une partisanerie politique de bas étage. Dès le départ, Louis J. Robichaud et Richard Hatfield avaient solennellement prévenu contre la perversion politique de cette loi. Elle n’est ni libérale, ni conservatrice, ni quoi que ce soit d’autre. Frank McKenna et Bernard Lord ont renchéri sur le même thème. Ils avaient raison. Dans son message officiel à l’occasion du 50e anniversaire de la loi, le premier ministre Higgs dit: «Nous devons continuer à progresser vers l’égalité réelle entre les communautés linguistiques officielles et, surtout, une meilleure compréhension de l’importance de la loi». Cette phrase rend le son de la vérité. Il faut applaudir et faire confiance au premier ministre lorsqu’il ajoute être «convaincu que nous pouvons, ensemble, poursuivre le travail de rapprochement des deux communautés afin de favoriser leur épanouissement.» M. Higgs n’est pas un néophyte en politique; il sait qu’il sera jugé sur ses actes. Donnons sa chance au coureur sans le handicaper mesquinement au départ. C’est l’avenir de notre province qui est en jeu. Cela vaut bien un peu de patience et beaucoup de réflexion.