Acadie Nouvelle

Pour un 15 août férié

- Francois Gravel francois.gravel@acadienouv­elle.com

Les célébratio­ns de la Fête nationale de l’Acadie sont derrière nous. Le drapeau acadien n’a toutefois pas fini de flotter bien haut, en particulie­r dans le sud-est du Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-PrinceÉdou­ard, où se poursuit le Congrès mondial acadien.

En faisant exception de Noël et du jour de l’An, le 15 août s’est établi comme étant la fête la plus importante dans la province, bien plus que celles du Nouveau-Brunswick et du Canada. Une situation surprenant­e, quand on pense qu’il n’est pas célébré dans la plupart des régions anglophone­s.

Chaque année, alors que des communauté­s acadiennes célèbrent leur fierté, certains s’interrogen­t à savoir pourquoi une fête aussi importante n’est pas devenue un jour férié provincial. Ce n’est pas vraiment un débat ou même une requête officielle, mais plutôt un sujet de discussion qui rebondit d’une année à l’autre.

Si la question se pose, elle est néanmoins purement théorique. Il n’y a aucune chance, dans un avenir proche ou lointain, qu’un gouverneme­nt progressis­te-conservate­ur, libéral ou autre fasse de la Fête nationale des Acadiens une journée fériée. Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de volonté politique pour cela.

S’il y a toutefois un moment de l’année où nous pouvons nous faire plaisir et quand même réfléchir à cet enjeu qui n’en est pas vraiment un, c’est bien maintenant, en pleine semaine de la fête des Acadiens et qui plus est pendant le congrès mondial.

Une fête pour tous. C’est peut-être la première objection qui nous vient à l’esprit. Comment pourrait-on décréter que le 15 août devient férié, alors que cette célébratio­n ne signifie rien pour une majorité de NéoBrunswi­ckois anglophone­s? Même à Moncton en plein CMA, vous ne trouverez pas beaucoup de décoration­s acadiennes.

Notons d’abord que les jours de repos s’appliquent à tout le monde, sans distinctio­n. Noël et Vendredi saint ne sont pas fériés uniquement pour les travailleu­rs catholique­s, la fête de la Reine ne s’applique pas seulement aux loyalistes, etc.

Certaines de ces fêtes, comme l’Action de grâce, existent surtout pour des raisons historique­s. Cet argument pourrait certaineme­nt s’appliquer pour le peuple acadien, en raison du rôle central et crucial qu’il a joué dans l’histoire du Nouveau-Brunswick.

Trop coûteux. Voilà un argument qui revient souvent. En 2013, le Conference Board du Canada a évalué les coûts d’un jour férié hivernal à 206$ par employé à plein temps. En 2015, la Nouvelle-Écosse avait estimé à 139 millions $ l’impact économique de l’ajout d’un nouveau jour férié. «Cela a des impacts négatifs sur l’économie et signifie une diminution du volume des ventes, des revenus et de la productivi­té», avait expliqué à l’Acadie Nouvelle en 2016 un représenta­nt de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendan­te.

Il est vrai que l’ajout de chaque nouvelle contrainte a un coût. Cela ne vaut pas seulement pour les fériés. Les hausses du salaire minimum, par exemple, sont accueillie­s négativeme­nt dans le monde des affaires.

La question des coûts n’a pas empêché par le passé les gouverneme­nts de créer de nouveaux jours de repos obligatoir­es. Le jour du Souvenir a été rendu férié à compter de 2004 par progressis­tes-conservate­urs de Bernard Lord, alors que les libéraux de Brian Gallant ont créé de toutes pièces le jour de la Famille en 2018.

Trop de congés en peu de temps. Le calendrier estival est en effet quelque peu congestion­né. La fête du Canada et la fête du Nouveau-Brunswick se succèdent en peu de temps, sans compter que la fête du Travail suit au début septembre.

Encore une fois, ce n’est rien d’exceptionn­el. Les commerces doivent fermer obligatoir­ement trois fois en une semaine à Noël, au lendemain de Noël et au jour de l’An. C’est sans compter que le gouverneme­nt Lord ne s’est pas gêné pour ajouter le jour du Souvenir dans la liste des congés obligatoir­es, même s’il a lieu à peine un peu plus d’un mois avant la semaine de Noël.

La volonté politique. Nous voici au coeur du problème. Si le 15 août n’est un congé obligatoir­e provincial, c’est d’abord en raison de l’absence d’une volonté politique.

Les politicien­s - tous partis confondus craignent un ressac de la majorité anglophone devant ce qui semblerait être une faveur faite aux Acadiens. C’est pourquoi ils préfèrent miser sur des célébratio­ns plus neutres et moins risquées, comme le jour de la Famille.

Il n’y a pas non plus de mouvement bien fort en ce sens dans les régions francophon­es. Une élection ne se décidera pas sur cet enjeu.

La Fête nationale des Acadiens n’est pas destinée à devenir un congé obligatoir­e. Cela ne nous empêche heureuseme­nt pas de la célébrer comme si elle l’était.

Comme l’a si bien dit le nationalis­te acadien Jean-Marie Nadeau dans nos pages cette semaine: «Pour nous, dans notre coeur, c’est une journée fériée». Et nous nous en accommodon­s fort bien.

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