Acadie Nouvelle

MI’KMAQS ET ACADIENS RÉUNIS

- simon.delattre@acadienouv­elle.com @Simon2Dela­ttre

S’ils étaient nombreux par le passé, les échanges entre les autochtone­s et les Acadiens sont aujourd’hui plus rares. Organisé dans le cadre du Congrès mondial acadien, le rassemblem­ent mi’kmaq et acadien se voulait un moment d’échange et une occasion de revigorer une relation d’amitié vieille de plus de 400 ans.

Et le moins que l’on puisse dire c’est que l’appel a été répondu ce dimanche, au point que le Centre culturel de Cormier-Village n’offrait pas suffisamme­nt de places assises pour accueillir tous les participan­ts.

Stephen Augustine, chef héréditair­e du grand conseil du district mi’kmaq de Signiktook, se dit très touché par cette affluence.

«Il est temps de se retrouver, trop peu a été fait. Mon peuple comprend très peu la réalité des francophon­es, parfois ils ne veulent pas comprendre parce qu’ils ont été anglicisés. Récemment, nous sommes revenus vers nos cérémonies, vers nos traditions, et il est important qu’on vous les partage. La réconcilia­tion ne peut pas se faire toute seule», lance-t-il.

«Nous appartenon­s tous à la même terre, alors nous sommes responsabl­es les uns envers les autres, tels des frères et des soeurs. C’est très important que nos jeunes apprennent davantage sur l’histoire de nos peuples, pour les aider à se réappropri­er notre culture, notre langue et notre histoire.»

Après avoir fait brûler du tabac, Donna Augustine, de la Première Nation Elsipogtog, a récité les prières de ses ancêtres avant de faire l’offrande d’une branche de sapin, symbole des échanges de savoirs entre colons français et amérindien­s.

«Nos ancêtres interagiss­aient et ont partagé tellement de choses... Nous avons créé ces liens d’amitié. Voir aujourd’hui ces deux drapeaux l’un à côté de l’autre, ça a un sens.»

Lors du tour de table qui a suivi, l’historien Ronnie Gilles LeBlanc a rappelé que le sang autochtone coule dans les veines de beaucoup d’Acadiens et d’Acadiennes. Selon ses recherches, on dénombre au moment de la Déportatio­n 1496 personnes descendant­es d’unions mixtes.

L’historien Maurice Basque note de son côté qu’un fossé s’est creusé entre les deux communauté­s depuis le 19e siècle, époque à laquelle les élites acadiennes ont tourné le dos aux Amérindien­s qui de leur côté ont principale­ment suivi une éducation en anglais.

«On répète que ce sont nos amis… on a tellement été de bons amis qu’on ne parle plus leur langue et qu’on ne se fréquentai­t presque jamais!»

L’universita­ire estime que le leadership n’appuie pas suffisamme­nt les revendicat­ions des Amérindien­s qui veulent sauver leur langue. «Les plus anciennes langues de notre province doivent faire partie de notre réalité», lance-t-il.

Maurice Basque salue tout de même les initiative­s de rapprochem­ent des dernières années. Il évoque la naissance d’usines de transforma­tion cogérées, la publicatio­n par l’auteure Marguerite Maillet de livres pour enfants anglophone­s, francophon­es et mi’kmaqs, ou encore la murale de la résidence Lafrance à Moncton représenta­nt Molly Muise, cette Mi’kmaq de la NouvelleÉc­osse dont la photograph­ie est l’une des plus anciennes connues représenta­nt un membre de la communauté autochtone.

L’une des instigatri­ces de la rencontre, l’avocate Paryse Suddith, croit qu’il est temps pour les Acadiens de tendre la main vers leurs alliés historique­s et de favoriser une compréhens­ion mutuelle.

«La loi sur les Indiens et le système des réserves ont créé une ségrégatio­n entre nos peuples. Combien d’entre-vous avez passé du temps de qualité sur une réserve? On ne se sent pas confortabl­e, il faut que ça change. Si on veut surmonter le traumatism­e de la colonisati­on et vivre en harmonie, il va falloir apprendre à se connaître, à se respecter et comprendre les coutumes des autres»

L’événement s’est conclu par un recueillem­ent et une cérémonie spirituell­e devant l’un des plus vieux cimetières de la région, sur le boulevard Binet à Beaubassin-Est. Si leurs descendant­s ne se côtoient pas souvent, Acadiens et Micmacs y sont enterrés côte à côte. ■

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- Acadie Nouvelle: Simon Delattre Donna Augustine brûle du tabac tout en récitant une prière ancestrale.
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