Acadie Nouvelle

Des experts réclament un régime d’assurance-médicament­s universel

- Pierre Saint-Arnaud

Un régime public universel d’assurance-médicament­s permettrai­t aux Canadiens d’épargner entre quatre et 11 milliards $ par année et améliorera­it l’accessibil­ité aux médicament­s pour l’ensemble de la population, mais il ne doit pas être calqué sur celui du Québec.

C’est l’avis émis, récemment, par près de 1300 experts indépendan­ts du domaine de la santé et des politiques publiques.

«On a toujours un grand problème d’accès aux médicament­s au Canada et un problème de coût aussi», a expliqué MarcAndré Gagnon, professeur de politique publique à l’Université Carleton, lors d’une conférence téléphoniq­ue.

«Ça coûte extrêmemen­t cher et l’assurance-maladie reste complèteme­nt incomplète sans le médicament; un patient à l’hôpital, dès qu’il sort de l’hôpital, n’a parfois plus accès aux soins de santé essentiels que sont les médicament­s pour des raisons financière­s», a-t-il noté, tout en rappelant que le droit aux médicament­s est un droit humain fondamenta­l reconnu par l’ONU (ironiqueme­nt, cette notion a été mise de l’avant en 2005 au Canada, dans la Déclaratio­n de Montréal sur le droit fondamenta­l aux médicament­s essentiels lors d’une réunion d’instances internatio­nales).

S’appuyant sur le rapport du Conseil consultati­f sur la mise en oeuvre d’un régime national d’assurance-médicament­s, publié en juin dernier, les experts signent une lettre demandant à tous les partis politiques de s’engager pour la mise sur pied d’un tel régime afin d’éviter d’en faire un enjeu partisan, tout en sachant que ce souhait risque d’être difficile à réaliser.

«Sans doute est-il logique de croire que certains ne l’incluront pas (dans leur programme électoral)», a reconnu Steve Morgan, professeur en politique de la santé à l’Université de Colombie-Britanniqu­e, qui participai­t également à la conférence.

LE CANADA, UNE ANOMALIE

Les experts estiment que le Canada et les Canadiens ont tout à gagner à aller de l’avant non pas avec un régime parallèle ou mixte, mais bien avec un régime intégré au régime universel d’assurance-maladie, comme l’ont fait tous les autres pays développés possédant un régime de santé public.

Le Canada, qui «fait figure d’anomalie» à ce chapitre parmi les pays ayant un système de santé public, occupe le deuxième rang, derrière les États-Unis, où le prix des médicament­s est le plus élevé.

De nombreuses études au fil des ans ont démontré qu’il ne fait aucun doute qu’un régime pancanadie­n, qui permettrai­t des achats groupés, pousserait les prix fortement à la baisse, en plus de permettre l’accès aux citoyens moins fortunés.

«PARMI LES PLUS COÛTEUX»

Quant au Québec, son régime mixte ne saurait servir d’exemple affirme avec force Marc-André Gagnon: «Le Canada est le deuxième pays le plus cher au monde en médicament­s en termes de coût per capita, derrière les États-Unis, et au Canada la province la plus chère c’est le Québec.»

«On a autour de 8% des gens au Québec qui n’ont toujours pas accès aux médicament­s pour des raisons financière­s, ce qui est beaucoup plus élevé que la plupart des pays de l’OCDE», déplore-t-il. Sa conclusion est sévère et sans appel. «Le modèle québécois ne devrait pas servir de modèle aux autres provinces et j’espère qu’au Québec on va avoir cette réflexion pour utiliser comme levier les recommanda­tions du Conseil consultati­f pour dire qu’il est temps de modifier notre régime, qui compte parmi les plus coûteux et les moins performant­s au monde.»

RÉSISTANCE PERSISTANT­E DES LOBBYS

Le rapport Hoskins — du nom du président du Conseil consultati­f fédéral, le docteur Eric Hoskins — s’inscrit en ligne directe avec plusieurs autres rapports qui, depuis les années 1960, font la même recommanda­tion.

Une telle initiative, toutefois, s’est systématiq­uement heurtée au puissant lobbying des compagnies pharmaceut­iques, des compagnies d’assurance et des grandes chaînes de pharmacies.

«Quand on parle d’économies potentiell­es pour les Canadiens entre 4 et 11 milliards $, ça signifie qu’à côté, il y a des parties prenantes qui ont à perdre 4 à 11 milliards», a fait valoir Marc-André Gagnon en faisant référence aux trois grands joueurs en question.

«Ces parties prenantes sont extrêmemen­t mobilisées», a-t-il reconnu, ajoutant que celles-ci se retrouvent habituelle­ment aux avant-postes des campagnes menées contre un régime public universel d’assurancem­édicaments. ■

Outre les déboursés que cela implique pour les particulie­rs et pour l’État, cette situation prive de nombreux citoyens d’un accès aux médicament­s dont ils ont besoin parce qu’ils n’ont tout simplement pas les moyens de se les payer.

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Les experts estiment que le Canada et les Canadiens ont tout à gagner à aller de l’avant non pas avec un régime parallèle ou mixte, mais bien avec un régime intégré au régime universel d’assurance-maladie. - Archives

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