VOLS HEBDOMADAIRES ET HÉBERGEMENT PAYÉS
Une vice-présidente du Réseau de santé Vitalité ne réside pas au Nouveau-Brunswick mais dans la région de Montréal. Certains professionnels de la santé ne voient pas d’un bon oeil le fait que l’hébergement et les vols hebdomadaires soient payés par les contribuables, alors que la direction de la régie y voit des incitatifs nécessaires pour pourvoir le poste.
Johanne Roy occupe le poste de viceprésidente aux services cliniques depuis avril 2016. Elle est aussi responsable des relations communautaires de la zone Beauséjour et représentante du Centre hospitalier universitaire Dr-Georges-L.-Dumont.
Si son lieu de travail se situe à Moncton, la page professionnelle de Mme Roy indique qu’elle serait domiciliée à Longueuil, dans le Grand Montréal.
Selon une source qui a souhaité conserver l’anonymat, plusieurs employés de l’hôpital se disent frustrés de la situation et le sujet serait source de frictions au sein de l’établissement.
Le Réseau de santé Vitalité rend publics depuis avril 2017 tous les relevés de frais de déplacement et de représentation de ses six vice-président(e)s. On y découvre que Mme Roy est la seule vice-présidente dont l’hébergement est financé par la régie francophone et que ses séjours à Moncton sont généralement compris entre une et quatre nuits.
Entre avril 2017 et mars 2019, Mme Roy a facturé quatre mois de loyer, puis 217 nuitées individuelles pour un total de 34 348$. Ses allocations de dépenses nous apprennent aussi que 23 billets d’avion pour des vols entre Montréal et Moncton ont été déclarés par la vice-présidente et payés par le réseau de santé entre août 2018 et mars 2019. Cela représente environ 14 648$.
Avant août 2018, les vols de Mme Roy n’étaient pas remboursés, nous indique un porte-parole de la régie. À noter que ces montants n’incluent que les remboursements effectués après mars 2019, car les données du dernier trimestre n’ont pas encore été publiées.
UN POSTE OUVERT DEPUIS TROIS ANS
En entrevue, le PDG de Vitalité, Gilles Lanteigne, confirme que Johanne Roy réside et paie ses impôts au Québec. Elle assure ses fonctions par intérim depuis la démission de son prédécesseur, Richard Losier, qui a quitté le navire le 2 avril 2016, après qu’une nouvelle structure administrative ait été mise en place au sein de Vitalité.
Cette situation particulière s’explique par la difficulté du réseau à trouver le candidat idéal, explique M. Lanteigne.
«C’est un poste qui est ouvert depuis trois ans et pour lequel on fait des démarches actives de recrutement», mentionne-t-il.
«On cherche, on cherche, nous sommes en discussion avec des chasseurs de têtes pour trouver des candidats de ce calibre. On a besoin de quelqu’un de haut niveau qui a de l’expérience dans le milieu universitaire et dans de grandes institutions.»
De son côté, le Dr Hubert Dupuis, président d’Égalité Santé en Français, proteste contre un arrangement qu’il qualifie de «hautement inhabituel». «Je trouve que c’est très mal utiliser les deniers publics, que de mettre l’argent à ce niveau-là, et non dans les soins des patients», lance-t-il.
«Ce ne sont pas des montants que l’on juge excessifs, rétorque Gilles Lanteigne. Nous avons pris des arrangements pour que, globalement, ce qui est payé se compare à ce qui est payé pour le reste de l’équipe. Ça ne nous coûte pas plus cher qu’un autre vice-président.»
En effet, Mme Roy ne figure pas parmi les membres de l’équipe de leadership les mieux payés. Selon la liste des salaires des hauts fonctionnaires néo-brunswickois, son salaire annuel était compris entre 150 000$ et 174 999$ en 2018. À titre de comparaison, la Dre France Desrosiers, vice-présidente de la médecine, des services, de la formation et de la recherche, se situe dans la fourchette allant de 250 000$ à 274 999$.
Gilles Lanteigne est d’avis que le lieu de résidence de sa collaboratrice ne l’empêche pas de remplir son rôle.
«Le réseau est chanceux d’avoir une personne du calibre de Mme Roy pour ce poste névralgique. Nous sommes chanceux qu’elle puisse combler un vide et ait accepté de rester aussi longtemps», souligne-t-il.
«Mme Roy a une pratique exemplaire, c’est une professionnelle de haut niveau. Elle est appréciée de ses collègues.»
Johanne Roy est titulaire d’une maîtrise en sciences infirmières de l’Université de Montréal et d’un diplôme d’études supérieures spécialisées en science de l’administration de l’École des hautes études commerciales.
Elle a notamment occupé le poste de directrice générale adjointe à l’Hôpital du SacréCoeur de Montréal pendant près de 10 ans. ■