Vapotage: Ottawa cherche l’équilibre entre les avantages et les effets néfastes
Ottawa achève les consultations qui mèneront à la nouvelle réglementation sur le vapotage, mais il est déjà acquis qu’il faudra vivre avec les effets néfastes de cette pratique pour bénéficier de ses avantages comme aide pour cesser de fumer.
«Le problème, c’est qu’il y a maintenant des jeunes qui ne sont pas des fumeurs, qui utilisent ce produit», fait valoir Annie Montreuil, conseillère scientifique à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ).
Et c’est là tout le dilemme, poursuit-elle. «Quand on met les deux ensemble, on a un produit qui peut avoir un effet positif pour les fumeurs mais négatif pour les nonfumeurs et les jeunes. C’est tout ce débat qui persiste.»
La troisième et dernière consultation sur la réglementation du vapotage, qui porte sur l’emballage et l’étiquetage de ces produits, prend fin le 5 septembre.
La première, menée l’hiver dernier, portait sur la publicité et la deuxième, réalisée au printemps, visait des éléments du produit luimême, comme la présence de saveurs ou la concentration de nicotine, par exemple.
TOXICITÉ RÉELLE
Pour la première fois, en juillet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait que les SEAN (systèmes électroniques d’administration de nicotine) «sont incontestablement nocifs».
«Chez les jeunes présentement, les cigarettes électroniques en circulation ont des doses incroyables de nicotine. Les jeunes (qui vapotent) ne sont pas seulement dépendants à la nicotine, ils sont dépendants à de très hautes doses de nicotine et c’est très difficile ensuite de sevrer un individu qui est dépendant de très hautes doses d’une molécule», explique le docteur Mathieu Morissette, chercheur à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec.
«En plus, les effets de la nicotine sur le cerveau des jeunes, c’est incroyable», ajoute-t-il.
À titre d’exemple, une étude de chercheurs de l’University of California publiée dans le journal Neuropsychopharmacology en 2014 auprès d’une trentaine d’adolescents fumeurs et non fumeurs montrait que le cortex insulaire des fumeurs était moins développé que celui des non-fumeurs, une conséquence attribuée à la nicotine.
Le docteur Morissette note par ailleurs les effets à long terme du vapotage sont encore inconnus.
«Premièrement, l’habitude est trop jeune; deuxièmement, la recherche est trop jeune aussi, dit-il. Ça fait une dizaine d’années que les gens vapotent. Si vous pensez au tabac, ça prend combien de temps pour développer des maladies cardiovasculaires, des maladies pulmonaires, chez un fumeur actif? Souvent, on compte ça en décennies.»
Il précise toutefois que d’autres produits qui sont utilisés dans les e-liquides (liquides à cigarettes électroniques), tels que le glycérol, le propylène glycol ou le diacétyle, qui servent de diluant pour la nicotine pour les deux premiers et de véhicule pour les saveurs dans le cas du diacétyle, ne sont pas inoffensifs.
Le propylène glycol, par exemple, est reconnu comme un irritant pulmonaire alors que le diacétyle peut provoquer une obstruction des alvéoles pulmonaires («popcorn lung»).
LE «BÉNÉFICE»
Pourquoi, alors, ne pas interdire complètement le vapotage? Parce qu’il s’avère un outil efficace pour combattre le tabagisme.
«La cigarette électronique présente une solution potentielle au tabagisme pour les fumeurs qui ont essayé tous les autres moyens à leur disposition sans succès. C’est un produit moins nocif que la cigarette de tabac. (...) Il y a des patients qui réussissent à arrêter de fumer grâce à ce moyen», fait valoir Annie Montreuil.
De plus, l’un des mémoires de l’INSPQ déposés lors des consultations fédérales, dont elle et ses collègues sont les auteurs, souligne que même si les jeunes vapotent de plus en plus, ils ne sont pas - et de loin - la première clientèle de la cigarette électronique.
«Parmi les 863 000 utilisateurs de cigarettes électroniques, 85% sont des fumeurs actuels ou d’anciens fumeurs», peut-on y lire. À l’opposé, la quasi-totalité de l’autre 15%, soit 133 000 non-fumeurs qui avaient utilisé des cigarettes électroniques au cours des 30 jours précédant l’enquête de Statistique Canada en 2018, était âgée de moins de 25 ans.
«Oui, si vous êtes un fumeur et que vous voulez arrêter, vous êtes mieux de commencer à vapoter et arrêter de fumer: le tabac, on sait que c’est de la cochonnerie, reconnaît le docteur Morissette. Ce qui vous attend avec le vapotage dans 20 ans, on ne le sait pas encore, mais avec le tabac on le sait. Ça, c’est pour les fumeurs, mais pas pour quelqu’un qui a 12 ans, qui n’a jamais touché à une cigarette de sa vie et qui devient habitué de vapoter à chaque jour 60 milligrammes par ml de nicotine. Ça n’a pas de sens.» ■