LA DIFFICILE RÉALITÉ DES AUTOCHTONES URBAINS
Le nombre d’Autochtones habitant en ville augmente fortement depuis plusieurs décennies. La crise du logement et le faible développement économique des réserves expliquent en partie le phénomène.
L’ancienne cheffe de la réserve d’Elsipogtog, Susan Levi-Peters pense que les aides disponibles sont plus nombreuses pour les personnes en difficulté en dehors des réserves.
«Les Autochtones ont des refuges et des soupes populaires à Moncton. Au moins, ils y reçoivent un repas», constate-t-elle.
«Quand tu y penses, il y a plus de choses à Moncton que dans les réserves, confirme l’itinérante autochtone, Judy Paul, prenant pour exemple les concerts d’Acadie Rock. Il n’y a rien chez nous.»
La plupart des membres des Premières Nations du Canada semblent partager l’avis des deux Mi’kmaqs. Environ 58% d’entre eux vivaient en ville en 2016, selon Statistique Canada. Ils étaient 32,6% dans ce cas au Nouveau-Brunswick (et 75% hors réserve).
Ces proportions augmentent depuis longtemps. Entre 1971 et 1996, la population autochtone dans les villes canadiennes a augmenté de plus de 250%, soit huit fois plus que l’ensemble de la population du pays, selon un document du regroupement des centres d’amitié autochtones du Québec. La population urbaine des membres des Premières Nations a continué d’augmenter depuis.
Les chiffres de ce phénomène sont toutefois biaisés par un phénomène appelé mobilité ethnique. Autrement dit, les gens sont plus nombreux à se déclarer autochtones qu’avant. L’agent de communication de Statistique Canada, Benoît Desjardins, indique que l’organisme est incapable de mesurer l’importance de ce biais.
EXODE AUX MULTIPLES CAUSES
Le résumé des consultations menées en 2016 dans le cadre de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain du gouvernement fédéral liste plusieurs motivations amenant à quitter une réserve: fréquenter un établissement d’enseignement, fuir la violence familiale, obtenir des services de santé, sortir de prison.
Les réserves connaissent par ailleurs une crise du logement.
«Quand tu es sans-abri, que tu es fatigué de vivre avec ta famille, que tu fais du couchsurfing depuis longtemps, tu pars parce que tu as l’impression d’être un fardeau», explique Mme Levi-Peters.
«Il n’y a pas assez de logements dans nos communautés. Elles ne connaissent pas non plus un développement économique suffisant», s’indigne la directrice du centre d’amitié autochtone de Fredericton, Patsy McKinney.
Le problème vient notamment de l’évolution de la population des Premières Nations. Entre 2006 et 2016, elle a augmenté de 42,5%, une croissance plus de quatre fois supérieure à celle du reste de la population canadienne, selon une étude de 2018 du réseau de connaissances des Autochtones en milieu urbain.
Ses membres sont donc jeunes (avec un âge médian de 29 ans contre 41 ans pour le reste du pays), nécessitant de plus en plus de postes (ils sont 15% à être au chômage) et de plus en plus de logements (ils ont huit fois plus de chances que les autres de devenir sansabri). ■