Il y a 20 ans, le monde francophone découvrait l’Acadie
Plus de mille journalistes en provenance du monde entier l’ont vu
L’Acadie Nouvelle se rappelle le Sommet de la Francophonie de 1999 avec deux dossiers, dont voilà le premier volet. Il y a 20 ans, Moncton accueillait pendant trois jours une cinquantaine de chefs d’État. Dieppe attirait en parallèle des milliers de visiteurs dans le premier Village de la Francophonie. Le bilan est considérable.
Le drapeau acadien a bien failli ne pas flotter lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet de la Francophonie organisé à Moncton. Il a finalement été levé à la dernière minute. L’Acadie prenait ainsi officiellement sa place in extremis aux côtés des autres nations de langue française.
Plus de mille journalistes en provenance du monde entier l’ont vu. Certains travaillaient pour de grands médias comme Le Point ou l’Express, des magazines français qui ont publié des articles de fond à propos de l’Acadie sur leur première page.
Ils ont aussi découvert Moncton avec étonnement, tant les circonstances semblaient hors normes pour «la ville sans charme de 70 000 habitants», telle que l’a décrite le quotidien français Libération.
UN ÉVÉNEMENT EXTRAORDINAIRE
L’organisation du Sommet a duré deux ans, pour accueillir 4500 personnes accréditées. La GRC a en outre déployé 1500 policiers pour assurer la sécurité grâce à un dispositif impressionnant qui a coûté 17 millions $ d’aujourd’hui.
Un événement d’une telle ampleur ne pouvait pas être consensuel. Une quarantaine de manifestants canadiens d’origine africaine, un sommet parallèle et des ONG comme Oxfam et Reporters sans frontières, se sont indignés de l’accueil de nombreuses délégations de pays qui ne respectaient pas les droits de la personne (le Rwanda du Front patriotique et le Congo de Laurent-Désiré Kabila, par exemple).
«Ce qui est resté de ce moment, c’est la fierté pour les Acadiens d’avoir pu accueillir un tel événement, d’avoir pu montrer notre culture, nos artistes, nos atouts au monde francophone et il n’y a pas de prix à ça», déclare néanmoins l’ancien ministre des Affaires intergouvernementales du cabinet de Frank McKenna, Bernard Richard.
L’ancien élu a travaillé à la candidature du Nouveau-Brunswick dès sa prise de fonction en 1995.
UN NOUVEAU SOUFFLE POUR L’ACADIE
«Le Sommet de 1999 a été l’un des points marquants de la revitalisation de la communauté acadienne, analyse le président de la SNA à l’époque, Neil Boucher. Il n’y a pas eu d’épiphanie, le mot serait trop fort, mais les francophones ont été, petit à petit, mieux acceptés dans la province après cet événement.»
Celui qui est aujourd’hui directeur du Centre d’accueil et d’accompagnement francophone des immigrants du Sud-Est du Nouveau-Brunswick (CAFI) souligne que la Ville de Moncton n’a notamment plus peur d’accorder une place importante aux nouveaux arrivants de langue française dans sa stratégie d’immigration.
Le Sommet de la Francophonie de 1999 a en effet été très rentable, générant plus de 110 millions $ actuels en retombées économiques, selon un rapport de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA).
C’est en outre grâce aux Acadiens que le Nouveau-Brunswick peut siéger dans un forum mondial en tant qu’entité gouvernementale distincte. Elle a ainsi discuté à égalité avec les 52 gouvernements qu’elle a accueillis en 1999 et le fait régulièrement auprès des 87 au total qui font partie de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF).
UN VISAGE DIFFÉRENT POUR MONCTON
L’Université de Moncton misait par ailleurs sur le Sommet pour augmenter son nombre d’étudiants étrangers afin de contrer la diminution de ses inscriptions. Pari gagné. Même s’il est impossible de mesurer l’incidence du rassemblement mondial, le nombre d’étudiants internationaux de l’Université est passé de 185 en 1998 à 760 aujourd’hui.
«J’ai grandi à Moncton, et j’ai vraiment vu la nature de la ville changer depuis la tenue du Sommet», témoigne en outre le directeur général de la Chambre de commerce du Grand Moncton, John Wishart.
M. Boucher abonde dans ce sens. Il prend en exemple le nom francophone de certaines rues de la cité. La ville se donne en effet comme objectif d’accepter chaque année 45% de noms en français pour sa toponymie depuis 2005, par exemple l’Allée Sommet. ■
«Les anglophones se sont dit: ‘’les francophones génèrent des retombées économiques, on pourrait peut-être faire de l’argent en s’associant à eux’’», avance M. Boucher.