Acadie Nouvelle

D’ici au prochain congrès mondial

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Le Congrès mondial acadien est déjà de l’histoire ancienne. Il peut être qualifié de succès populaire, tant il a attiré de nombreux participan­ts. Mais le CMA, par définition, ne peut seulement être jugé par le nombre de spectateur­s lors d’un mégaspecta­cle ou par le nombre de citoyens qui ont fait du bruit dans la rue pendant un tintamarre.

Pendant 15 jours, le Sud-Est du NouveauBru­nswick et l’Île-du-Prince-Édouard ont été le centre et le coeur de la culture acadienne. Des dizaines de milliers de personnes ont participé aux différente­s activités à l’horaire, ont retrouvé des cousins éloignés lors des réunions de famille, ont été conquis par l’espace Extrême frontière et ont découvert ou redécouver­t des artistes acadiens.

Le CMA a même, pour une rare fois, trempé un orteil dans la controvers­e, quand le chanteur Serge Brideau a dénoncé l’unilinguis­me du premier ministre Blaine Higgs, critiqué ses liens avec la famille Irving et fait un doigt d’honneur en plein spectacle du 15 août, à Moncton.

Le Congrès mondial acadien n’est toutefois pas qu’une série de spectacles et de réunions de famille. On y trouvait encore une fois cette année un volet économique de même qu’un Sommet des femmes.

L’Université de Moncton a aussi accueilli pendant trois jours le Grand parle-ouère, une sorte de forum populaire pendant lequel nous étions invités à réfléchir sur l’Acadie d’aujourd’hui et de demain. On y a discuté d’enjeux comme la sécurité linguistiq­ue, l’identité acadienne, l’immigratio­n francophon­e et bien plus encore. Plus de 200 participan­ts et leaders du milieu associatif étaient du rendez-vous.

En ce sens, les organisate­urs ont poursuivi une tradition qui remonte au premier Congrès mondial acadien de 1994, lequel comprenait des segments où on mettait de côté la fête au profit de discussion­s portant sur l’avenir de l’Acadie.

Néanmoins, force est de constater que ces événements ne résonnent pas autant qu’ils le devraient. À moins d’être un convaincu, il est peu probable que vous ayez la moindre idée des conclusion­s qui ont été tirées du Grand parle-ouère, du Sommet des femmes ou du volet économique.

Par contre, vous avez peut-être entendu parler de deux autres initiative­s qui ont soulevé le débat pendant ou après le CMA, même s’ils n’étaient pas inclus dans la programmat­ion: une Bibliothèq­ue nationale de l’Acadie et la commission visant à définir un modèle d’autonomie gouverneme­ntale pour les régions acadiennes des quatre provinces de l’Atlantique.

L’idée d’une Bibliothèq­ue nationale de l’Acadie a été lancée dans les pages de l’Acadie Nouvelle par notre chroniqueu­r Rino Morin Rossignol. Des personnali­tés acadiennes importante­s comme l’écrivaine Antonine Maillet, le juriste Michel Bastarache, de même que des organismes comme la Société nationale de l’Acadie et la Société de l’Acadie du N.-B., ont partagé leurs idées et leur appui au projet.

Quant au groupe Assemblée nationale de l’Acadie, il a réuni près d’une centaine de personnes à Cocagne afin de discuter de pouvoir politique et de projet de société. Des constituti­onnalistes, des sociologue­s, des avocats, des historiens et nous en passons ont tous mis leur expertise au service de cette initiative.

Nous aimerions voir de tels enjeux être discutés dans un volet à part, lors du prochain Congrès mondial acadien, en 2024, en Nouvelle-Écosse.

Les CMA n’ont lieu qu’aux cinq ans. Le volet plus “sérieux” devrait avoir un rôle semblable à celui joué jadis par les convention­s nationales acadiennes.

Quand on pense à celles-ci, les noms de Memramcook et de Miscouche remontent immédiatem­ent à notre esprit. C’est là, après tout, que les délégués ont adopté un drapeau acadien, une fête nationale, un hymne et une patronne.

Mais on oublie qu’une quinzaine d’autres convention­s ont depuis été organisées, au cours desquelles les gens ont débattu de sujets comme la nomination d’un évêque acadien (en 1900, à Arichat), l’adoption de manuels français dans les écoles acadiennes (en 1905, à Caraquet), le manque de représenta­tivité des Acadiens au sein du gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick (en 1927, à Moncton) et la formation d’une province acadienne (en 1979, à Edmundston).

Le volet de discussion­s du Congrès mondial acadien pourrait jouer ce rôle dévolu autrefois aux convention­s nationales.

Il n’est pas trop tard. La Bibliothèq­ue nationale de l’Acadie ne sera pas érigée dans les cinq années à venir. Le projet d’autonomie acadienne ne risque pas non plus de voir le jour d’ici 2024. Et des enjeux à caractère linguistiq­ue comme l’immigratio­n francophon­e, l’élection d’un parti politique opposé au bilinguism­e officiel ou la force réelle de la Loi sur les langues officielle­s (autant celles du N.-B. que du Canada) seront sûrement encore d’actualité.

Il y a moyen d’augmenter la portée et l’importance des forums de réflexion afin d’améliorer la pertinence du Congrès mondial acadien dans son ensemble.

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