DOSSIER: COMMOTIONS CÉRÉBRALES
La hantise des commotions cérébrales est de plus en plus omniprésente dans le monde des sports. Et pour cause. La science et les chercheurs ont démontré ces dernières années à l’aide d’études et de révélations bouleversantes les graves conséquences des traumatismes répétés à la tête.
Mais pour plusieurs athlètes, le sujet demeure tabou. Ils sont encore nombreux à taire les symptômes d’une commotion de peur d’être tenus à l’écart de la compétition ou que des portes se referment devant eux.
Et pourtant. Les commotions cérébrales peuvent bel et bien mettre fin aux carrières d’athlètes dans la fleur de l’âge. Parlez-en à Hassoun Camara, l’ancien joueur de soccer de l’Olympique de Marseille et de l’Impact de Montréal.
En novembre 2017, à seulement 33 ans, il a été contraint de prendre sa retraite, sur l’avis de médecins spécialistes, à cause de commotions cérébrales répétées.
Que dire de tous ceux et celles qui doivent désormais vivre avec le spectre des séquelles potentielles de commotions liées à la pratique de leur sport.
L’ex-hockeyeur Enrico Ciccone et Matthieu Proulx, ancien porte-couleurs des Alouettes de Montréal, en sont conscients. Des traumatismes à la tête, ils en ont subi, ils en ont vu les effets sur eux et d’autres joueurs.
Ils en parlent sans trop de retenue et avec une certaine appréhension.
«Je ne veux pas paraître alarmiste, mais je vis un peu avec une épée de Damoclès audessus de la tête», reconnaît Proulx, qui a joué pendant six saisons dans la Ligue canadienne de football, toutes avec les Alouettes, de 2005 à 2010.
«Je vis ma vie en espérant que je puisse vivre vieux, vivre en santé et ne pas avoir de problèmes, ajoute l’homme de 38 ans. Mais en même temps, je le dis bien franchement, je vis ma vie un peu différemment en fonction de l’inconnu qui m’attend.»
Ciccone abonde dans le même sens.
«C’est un élément avec lequel je vis au quotidien parce que c’est de l’inconnu», avoue Ciccone, dont la carrière de hockeyeur s’est étalée de 1987 jusqu’à la saison 20002001.
«Je sais que j’ai eu des commotions cérébrales, mais je ne sais pas si un jour, je vais en vivre les séquelles, en espérant que non, ajoute le Montréalais de 49 ans. C’est sûr qu’en vieillissant, tu as de petites pertes de mémoire, et là tu te dis “est-ce que ça commence?” Il y a toujours cet aspect-là qui est dérangeant, et ça, c’est mon quotidien.»
Il estime avoir vécu six ou sept commotions cérébrales non répertoriées au fil de sa carrière de 690 matchs chez les juniors et les professionnels.
SOLUTIONS
Pour Ciccone, il n’y a pas que ses propres appréhensions qui l’incitent à s’impliquer pour tenter d’enrayer le fléau des commotions cérébrales. Les décès de joueurs de sa génération comme Bob Probert et Todd Ewen, chez qui on a diagnostiqué l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC) lors d’autopsies, le troublent.
Il est aussi préoccupé par le phénomène des traumatismes crâniens chez les jeunes et tout particulièrement ceux qui pratiquent le hockey.
Selon des données du Système canadien hospitalier d’information et de recherche en prévention des traumatismes (SCHIRPT) pour les années 2011 à 2017, les traumatismes crâniens représentaient 43,4% des incidents de hockey sur glace soumis à l’organisme (soit 630 blessures sur 1452) chez les garçons âgés de 5 à 9 ans.
La proportion diminue à 28,7% chez les garçons de 10 à 14 ans (2775 blessures sur 9674), et à 20,7% chez les 15 à 19 ans (1120 sur 5418). Et selon les données du SCHIRPT, qui dit traumatisme crânien dit presque assurément commotion cérébrale.
En moyenne, les commotions cérébrales représentent 93% des traumatismes crâniens signalés au SCHIRPT qui sont attribuables aux activités sportives et récréatives chez les enfants et les jeunes âgés de 5 à 19 ans, garçons et filles.
Ciccone croit que la solution passe par l’instauration d’un registre, dans le cadre d’une loi, dont l’objectif serait de colliger les données sur l’état de santé des personnes âgées de moins de 18 ans à la suite d’une commotion cérébrale.
Le printemps dernier, le député de Marquette et porte-parole libéral en matière de sports et loisirs a déposé en ce sens le projet de loi 196.
Isabelle Charest, ministre déléguée à l’Éducation, ne se montre pas très emballée par cette démarche. S’appuyant sur l’avis d’experts qu’elle a consultés, elle privilégie une approche centrée sur la prévention et la sensibilisation plutôt qu’une approche contraignante et punitive. ■