Jacques Chirac à Memramcook, une émotion intacte
L’Acadie Nouvelle se rappelle le Sommet de la Francophonie de 1999 avec deux dossiers, dont voici le second volet. Le président de la République française, Jacques Chirac a marqué la rencontre internationale par une visite à Memramcook. Un moment émouvant et important pour l’Acadie.
Neil Boucher garde dans son bureau une photo le montrant avec Jacques Chirac.
Il raconte aujourd’hui avec émerveillement la visite de l’ancien chef d’État français à Memramcook, à l’époque où il présidait la Société nationale de l’Acadie (SNA).
«Personnellement, ce fut un grand honneur et un des moments marquants de ma carrière, confie-t-il. J’ai eu la chance d’adresser la parole à M. Chirac et de l’accompagner au musée. En deux minutes de conversation, j’avais l’impression de le connaître depuis des années.»
«Il y avait près de 4000 spectateurs. Radio-Canada transmettait par ailleurs une émission en direct pour ceux qui n’avaient pas pu se joindre à la rencontre.
Ancien haut fonctionnaire provincial et ex-président de la SNA, M. Ouellette a coordonné l’événement, fort de son expérience dans l’accueil d’un précédent président français, François Mitterrand, à Moncton et à Caraquet en 1987.
UN PRÉSIDENT CAPABLE D’EMPATHIE
Il se souvient d’avoir placé une dame centenaire sur le parcours de Jacques Chirac à Memramcook, tandis que l’homme politique prenait son bain de foule.
«Il s’est arrêté auprès d’elle et lui a parlé spontanément, s’amuse-t-il. C’était un homme cordial, capable de beaucoup d’empathie.»
«La journée a été très appréciée par le public, assure M. Boucher. Il y avait toute une nostalgie. Que tu t’appelles Cormier, LeBlanc, Melanson, Belliveau, tes ancêtres viennent de France. Renouer avec ce lien historique, recevoir le plus haut personnage de l’entité géopolitique d’où nos familles viennent, c’était naturel et émouvant.»
«Cette visite a donné un profil international à l’Acadie», souligne par ailleurs M. Ouellette, en accord avec l’analyse que produisait la Presse canadienne en 1999.
DES RELATIONS FRANCO-ACADIENNES ANCIENNES ET FRUCTUEUSES
Après la cession de l’Acadie à l’Angleterre par la France en 1713, les relations entre les colons francophones des provinces maritimes et leur mère patrie ont repris lentement.
«À la fin du 18e siècle, seuls quelques missionnaires français assureront la continuité de la France en Acadie», a écrit Robert Pichette dans son ouvrage intitulé L’amour retrouvé de la France pour les Acadiens.
C’est dans la deuxième moitié du 19e siècle, grâce à Napoléon III, que l’Acadie obtient sa première subvention française, à l’époque officieusement. Ces fonds servent à l’achat de livres ainsi que de matériel éducatif et culturel. L’argent envoyé par l’empereur sert aussi à fonder... la paroisse Saint-Paul de Kent.
M. Pichette a noté que le drapeau tricolore est déjà populaire à l’époque parmi les Acadiens, notamment à cause de la présence soutenue de la marine française sur leurs côtes. Le père André-Thaddée Bourque avait même composé une Marseillaise acadienne!
DES BOURSES DÈS 1920
Des religieux français arrivent ensuite en nombre en Acadie, au début du 20e siècle, à la suite de la laïcisation de l’enseignement dans l’hexagone. Ils fondèrent des hôpitaux, des orphelinats et des écoles en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick.
Un comité France-Acadie donne accès aux premières bourses d’études françaises en 1920. Une trentaine d’Acadiens en bénéficieront jusqu’en 1940.
La France installe son premier consulat dans les provinces maritimes en 1952 à Halifax. Elle ouvrira celui de Moncton en 1966.
Vient enfin l’année 1968, celle de la visite de quatre Acadiens – les «quatre mousquetaires» - au général de Gaulle, sous la bannière de la Société nationale de l’Acadie (SNA).
L’OFFICIALISATION DE L’ACADIE
«Que le président de la République [française] traite d’égal à égal, aux yeux du monde, avec un peuple sans pays, était, à l’époque, sans précédent. Cette officialisation éclatante du peuple acadien est, sans conteste, le legs le plus important du général, et de la France, à l’Acadie», a écrit M. Pichette.
L’auteur avance une estimation de l’aide matérielle offerte par la France aux Acadiens au cours du quart de siècle suivant: environ 29 M$ d’aujourd’hui, dans l’envoi de livres notamment. La France a aussi octroyé durant cette période plus de 200 bourses d’études et envoyé des coopérants travailler pendant leur
«Les Acadiens s’étaient déplacés de partout. C’était un moment de célébration», se rappelle le professeur en hautes études publiques, Roger Ouellette.
service militaire en Acadie.
Les relations franco-acadiennes ont par la suite continué sur la lancée de cette année fondatrice. ■