Le débat de l’arrosage comparé à celui de la vaccination obligatoire
Alors que le débat sur la vaccination obligatoire des enfants d’âge scolaire fait rage et polarise l’opinion publique au Nouveau-Brunswick, le directeur général de Forêt NB effectue une sortie en règle contre les opposants à l’épandage du glyphosate.
Il soutient que ces opposants n’ont pas plus d’arguments scientifiques valables pour étayer leur opposition que ceux contre la vaccination.
C’est la question que se posait Mike Légère de Forêt NB dans nos pages mercredi dans un texte publié dans la Mon opinion (Un lien entre les vaccins et les forêts).
En somme, il fait valoir que le consensus scientifique – que ce soit dans le débat de la vaccination, de l’épandage ou même des changements climatiques – est rarement unanime et qu’il faut donc alors s’en remettre au consensus scientifique majoritaire.
Du coup, il met sur le même pied d’égalité les groupes s’opposant aux changements climatiques, à la vaccination et à l’épandage, soient des groupes convaincus en dépit de la majorité scientifique.
«C’est là que nous nous retrouvons avec des politiques populaires», prévient-il.
Il ajoute que le principe de précaution – souvent évoqué par les environnementalistes – est la carte par ultime jouée par ceux en manque d’arguments et en train de perdre un débat.
Porte-parole du groupe ÉcoVie de Kedgwick, qui lutte pour l’abandon de l’utilisation du glyphosate en forêt, Francine Levesque, dit avoir sursauté en prenant connaissance des propos de M. Légère.
«Il y a une énorme différence entre la vaccination et l’utilisation du glyphosate. Le premier vise à prévenir des maladies pour permettre à l’organisme de demeurer en santé, l’autre sert à tuer la végétation afin que prolifère une monoculture, ce qui ne constitue en rien une forêt en santé. Il n’y a aucune comparaison possible entre ces deux sujets», exprime-t-elle.
Se basant uniquement sur l’aspect des études scientifiques, elle rappelle que, même si Santé Canada ne voit pas de risque à l’utilisation du glyphosate, l’Organisation mondiale de la santé a toujours ce produit dans son collimateur, l’estimant possiblement cancérigène.
Plusieurs juridictions ont choisi d’interdire ce produit en raison de ses risques potentiels sur la santé.
Mais au-delà de la santé humaine, Mme Levesque soutient que l’utilisation du glyphosate met en péril littéralement toute la biodiversité de la province.
«Les études scientifiques ne s’attardent pas sur les dommages causés à nos forêts que l’on transforme graduellement en pépinière d’épinettes, ni à notre faune ou à notre flore. On a un choix de société à faire ici, et il faut le faire avant qu’il ne soit trop tard», indique-t-elle.
Mme Levesque demeure néanmoins convaincue des risques à long terme de l’utilisation et de la présence du glyphosate pour la santé humaine.
«Si l’OMS maintient que c’est un produit potentiellement cancérigène, c’est qu’ils ont raison de le penser. Ce ne sont pas de lunatiques», ajoute-t-elle.
«Si le consensus scientifique majoritaire est accepté pour le changement climatique, pourquoi pas pour l’herbicide à base de glyphosate ou les vaccinations?»
TIRÉ PAR LES CHEVEUX
Son homologue de Stop Spraying New Brunswick, Caroline Lubbe-D’Arcy, abonde dans le même sens. Dentiste de profession, elle s’en remet à la science et se dit ouvertement pro-vaccination.
La comparaison de M. Légère entre l’épandage du glyphosate et les groupes anti-vaccination la touche particulièrement.
«À vrai dire, je trouve son raisonnement un peu tiré par les cheveux. On tente visiblement de discréditer le mouvement d’opposition à l’épandage en nous mêlant aux opposants anti-vaccination, en nous dépeignant comme des gens qui ne croient pas à la science alors que c’est complètement l’inverse», dit-elle.
Elle soutient que les recherches qui émergent dernièrement tendent à démontrer que le glyphosate ne serait pas étranger aux problèmes de santé chez certains animaux.
«D’autres recherches encore plus poussées sont nécessaires, et on les encourage.»
Pour ce qui est de Mme Levesque, elle conclut sa tirade contre les arguments avancés par M. Légère en soutenant que si celui-ci croit en la vaccination, cela en fait de facto un disciple du principe de précaution, ce même principe qui le fait pourtant sourciller.
«Après tout, les vaccins ne servent pas à guérir, mais bien à prévenir les maladies. Et un herbicide n’est pas un vaccin. En suivant cette logique, mieux vaut prévenir que guérir… et c’est valable dans nos forêts également», dit-elle. ■