Acadie Nouvelle

Sept fois plus d’ordonnance­s d’opioïdes exécutées au Canada qu’en Suède

- Laura Kane

Les patients canadiens et américains ont fait exécuter leurs ordonnance­s d’opioïdes à la suite d’une interventi­on chirurgica­le mineure à un taux sept fois plus élevé qu’en Suède, révèle une nouvelle étude, qui suggère que les antidouleu­rs créant une forte dépendance pourraient être utilisés de manière plus judicieuse en Amérique du Nord.

Les chercheurs ont examiné les ordonnance­s qu’ont fait exécuter les patients au cours de la première semaine suivant l’une de quatre opérations à faible risque visées pour les besoins de l’étude dans les trois pays. En Suède, seulement 11% des patients ont eu recours aux opioïdes, contre 79% au Canada et 76% aux États-Unis.

Parmi ceux qui se sont prévalus d’une ordonnance d’opioïdes, la quantité accordée était considérab­lement plus élevée aux ÉtatsUnis par rapport au Canada et à la Suède, apprend-on dans l’étude publiée mercredi dans JAMA Network Open, une revue supervisée par l’Associatio­n médicale américaine.

«Je pense qu’il y a beaucoup de données, y compris dans cette étude, qui suggèrent que les patients reçoivent plus d’opioïdes que nécessaire, même pour des interventi­ons chirurgica­les mineures», a déclaré en entrevue le docteur Karim Ladha, coauteur de l’étude et chercheur clinicien à l’Institut du savoir Li Ka Shing de l’hôpital St. Michael’s Hospital à Toronto.

«Le vrai problème, c’est que l’on contribue à augmenter l’offre d’opioïdes dans la communauté.»

En outre, l’étude soulève la question de savoir si les opioïdes sont nécessaire­s à la gestion de la douleur après une opération, souligne le docteur Ladha. Les chercheurs ne disposaien­t pas d’informatio­ns sur le niveau de douleur postopérat­oire ressenti par les patients, mais il semble que beaucoup de Suédois «se débrouille­nt» sans opioïdes après avoir subi les mêmes interventi­ons chirurgica­les, a-t-il ajouté.

«En avons-nous réellement besoin? Bien que cette étude ne puisse pas répondre à cette question, elle nous pousse vers ce que nous allons faire ensuite, soit une étude contrôlée randomisée pour véritablem­ent tester cette hypothèse», a fait savoir le chercheur, en révélant être déjà engagé dans le processus de demande de bourse pour poursuivre la démarche.

DIFFÉRENCE­S DANS LE TYPE D’OPIOÏDES PRESCRITS

L’échantillo­n étudié comprenait environ 129 000 patients aux États-Unis, 85 000 au Canada et 9800 en Suède. Les sujets étaient âgés de 18 à 64 ans et avaient subi soit une ablation de la vésicule biliaire, une appendicec­tomie, une réparation méniscale ou le retrait d’une masse dans un sein.

La cohorte en Suède était moins nombreuse en raison de la taille de la population de ce pays et du fait que les données disponible­s ne couvraient que la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, a justifié le docteur Ladha.

Les données américaine­s couvrent la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, tandis que les données canadienne­s couvrent la période du 1er juillet 2013 au 31 mars 2016. Les données canadienne­s ont été extraites de trois bases de données ontarienne­s.

Le nombre d’ordonnance­s d’opioïdes exécutées était constant pour les quatre procédures chirurgica­les. Des taux très similaires ont été observés entre les États-Unis et le Canada, mais ceux-ci étaient bien inférieurs en Suède, indique l’étude.

Des différence­s significat­ives ont été observées dans le type d’opioïdes prescrits. La codéine et le tramadol étaient souvent prescrits au Canada et en Suède, mais rarement utilisés aux États-Unis, alors que des préparatio­ns combinées d’opioïdes étaient beaucoup plus répandues en Amérique du Nord.

Les résultats illustrent probableme­nt les différence­s dans l’approche des médecins envers la prescripti­on d’opioïdes d’un pays à l’autre, dans la perception du public vis-à-vis du rôle des opioïdes dans le traitement de la douleur, ainsi que dans la commercial­isation et la réglementa­tion des médicament­s, estime l’étude.

La prescripti­on postopérat­oire excessive d’opioïdes a été associée à des risques accrus de détourneme­nt de médicament­s, à une utilisatio­n à long terme et aux troubles de consommati­on d’opioïdes, note-t-on dans le document.

Près de 4500 personnes sont mortes de causes liées aux opioïdes au Canada l’an dernier. ■

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- La Presse canadienne: Graeme Roy Des pilules d’ordonnance contenant de l’oxycodone et de l’acétaminop­hène.

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